Chaque fin janvier, le Saint-Fons Jazz festival propose une prog’ épatante grâce au directeur de l’Ecole de Musique Norbert Gelsumini. Grands noms et jeunes pousses ont donné ses lettres de noblesse à cet événement culturel qui fête sa 21ème édition en accueillant le 31 janvier le saxophoniste Kenny Garrett (Miles Davis, Marcus Miller…) et, ce 24 janvier, le contrebassiste français Renaud Garcia-Fons en trio. Garcia-Fons à Saint-Fons, c’était de circonstance ! Proximité avec le public, échanges et atmosphères furent au rendez-vous.
Garcia-Fons joue ce soir son album “La vie devant soi” inspiré du célèbre roman de Romain Gary. Prétexte à des clins d’oeil à Robert Doisneau, Jacques Prévert, Michel Simon et Raymond Queneau, au Paris d’antan, mais aussi de maintenant. Les ambiances sont à la fois nostalgiques – le trio attaque avec “Revoir Paris” de Trenet – et rythmées, avec notamment “Les écoliers” – un morceau dédié à Goscinny et au Petit Nicolas – et “Je prendrai le métro”. L’accordéon de David Ventucci évoque la course des gens. On imagine une Zazie virevoltante au milieu de la foule. Le batteur Stéphan Caracci joue habilement de ses “brushes” et se sert de pads de plastique qui apportent une sonorité originale à l’ensemble.
Garcia-Fons présente chaque morceau avec souvent une pointe d’humour. Il indique qu’il ne faut pas qu’il se trompe de poche (“mouchoir de droite pour le rhume, mouchoir de gauche pour essuyer les cordes”). Sur “Le long de la Seine”, le trio invite à une rêverie au bord de l’eau. Pour ce titre, le batteur devient vibraphoniste et son instrument, là encore, créé une ambiance très spéciale. Peut-être qu’il pleut, que le promeneur est perdu dans ses pensées en regardant couler le fleuve ? Le contrebassiste indique malicieusement qu’il pourrait tout aussi bien s’agir de la Saône ou du Rhône. L’ambiance légèrement mélancolique se prolonge sur “Après la pluie”. Les baguettes frappées sur les barres de métal du vibraphone évoquent un orage discret.
Sur son excellentissime concert de Marcevol (2011), Garcia-Fons plaçait des feuilles de papier sous les cordes de sa contrebasse, étendant ainsi ses possibilités sonores comme me l’expliquait mon voisin, lui-même musicien. Point de feuilles de papier ce soir, mais plusieurs interludes à l’archet pendant lesquels Garcia-Fons fait sonner son instrument tantôt comme un violon, tantôt comme un oud. Le public, charmé, est transporté en Orient (“Kurdish mood”). On retrouve le cosmopolitisme et la soif d’horizons sans limite du musicien d’origine catalane, passionné de sons méditerranées et de flamenco.
Les 160 personnes du théâtre – plus un siège de libre – sont captivées et se laissent bercer par les 5 cordes et l’archet qui semblent faire corps avec le musicien. Ils sont à la fois dans les rues de Paris et … ailleurs. Le trio entame une réinterprétation de Brassens (“Je me suis fait tout petit”) et, au bout de trois rappels, les deux heures du concert semblent s’être écoulées en un rien de temps. Renaud Garcia-Fons se prête ensuite de bonne grâce au jeu des dédicaces dans le hall du théâtre, en toute simplicité. Je lui glisse que le DVD de son concert de Marcevol avait ensoleillé une grise journée dé décembre, une anecdote qu’il retranscrit aussitôt dans la griffe qu’il me laisse sur le CD.
Comme le dit N. Gelsumini “se retrouver pour une soirée du Saint-Fons Jazz festival, c’est sentir combien la musique crée du lien et apporte, l’air de rien, un petit supplément d’âme. Nous en avons besoin … plus que jamais”.
Les musiciens : Renaud Garcia-Fons : contrebasse, David Venitucci : accordéon et Stéphan Caracci : batterie et vibraphone.
Photos et reportage : Patrick Ducher