Les 1er et 2 juin, le projet PIND faisait escale à Lyon. Au programme colloque universitaire et évidemment concerts ad hoc. Notre envoyé spécial, Patrick Ducher, habitué des situations un peu chaudes, a affronté courageusement Reverend BeatMan et King Khan & The Shrines samedi soir au Marché Gare. Il est est revenu sonné mais a pu nous raconter son expérience !
LA PETITE SALLE DU MARCHÉ GARE DE LYON S’EST PEUPLÉE DE ROCKEURS, DE TATOUÉ(E)S, DE BOULES À ZÉRO ET DE FUNSKTERS HARDCORE DE TOUS ÂGES POUR ÉCOUTER UN “DOUBLE BILL” IMPROBABLE, MÉLANGE DE BLUES TRASH ET DE R’N’B POISSEUX. LA SOIRÉE ALLAIT ÊTRE DURE POUR LES TYMPANS – LE SON FUT UNE VÉRITABLE BOUILLIE ASSOURDISSANTE – MAIS LA PRESTANCE DES DEUX GROUPES FUT ÉBOURIFFANTE. ET LE TERME A UN RAPPORT CAPILLAIRE AVEC LA COIFFURE DES FRONTMEN RESPECTIFS…
Le “révérend” BeatMan – un petit gars râblé tout de noir vêtu avec 3 cheveux sur le crâne – marque son arrivée sur scène avec une marche funèbre avant de se lancer dans le massacre en règle des deux instruments mis à sa disposition : une guitare et une grosse caisse. À la gauche de la scène, une nonne dodue, “sister” Nicole Izobel Garcia, maltraitera de son côté une micro-batterie et un orgue électrique, tout en restant totalement impassible aux atrocités chantées par son comparse. Comme l’indique le graffiti sur une valise trônant sur un ampli derrière le bluesman, le set allait être “185% blues trash”. Imaginez Muddy Waters qui se serait coincé les doigts dans une porte et qui couinerait des horreurs.
Car les paroles de BeatMan sortent tout droit d’une imagination débordante (ou malade ?). Le saint homme de pacotille puise dans les ambiances de “murder ballads” chères à Nick Cave, du gospel, du rockabilly, et du vaudou, en y ajoutant une (forte) dose de sexe outrancier. “He’ll make your back crack, your liver quiver, and your knees freeze. And if you don’t dig that you’ve got a hole in your soul”. Il est question de sado-masochisme, de twist avec Jésus, de familles dysfonctionnelles. BeatMan a une mission : prôner la rédemption par la religion du blues “trash”. Ayant été catcheur, il a eu la révélation de son nouveau sacerdoce après avoir été un peu trop amoché.
Il éructe des titres tels que “Jesus Christ Twist”, “Blow Um Mau”, ou “Don’t Stop To Dance” depuis près de 30 ans à travers toute l’Europe, mais aussi l’Australie, l’amérique du Sud ou le Japon. Au fait, le révérend est suisse allemand, originaire de Berne. Mais quand il chante (hurle ?), on dirait un émule de Howlin’ Wolf. Le set fut court (45 minutes) est conclu par un “headbanging”, un moment de folie pure où les premiers rangs se poussent et se bousculent avec ferveur. La salle est moite, suinte l’humidité. Le révérend repart avec son matériel sous le bras comme il était arrivé. En toute discrétion.
Khan personnifie le croisement réussi entre Prince, James Brown, Little Richard, les MC5 et Dr. John
Le show de King Khan sera d’un tout autre calibre : d’un volume sonore aussi intense que l’homme en noir, mais complètement différent dans la tenue de la scène. Cette fois-ci, il sera question de soul, de rythm’n’ blues, de garage rock et de psychobilly. Khan personnifie le croisement réussi entre Prince, James Brown, Little Richard, les MC5 et Dr. John : son crâne est recouvert d’une coiffe emplumée du plus bel effet, tandis que ses musiciens arborent divers gri-gris autour du cou. Le reste du costume de King Khan est assez… spécial : un lycra noir très près du corps met en valeur ses formes rondouillardes et un poitrail tatoué. Il prendra un malin plaisir à tournoyer sur scène et le public découvrira, médusé, un popotin poilu à peine masqué. La section de cuivres (deux sax, une trompette) porte des capes ! Par-delà la tenue et le comportement excentrique, le bonhomme assure grave. Tantôt offensif tel un nouveau Wayne Kramer (MC5) dont il reprend la fameuse invective “Motherfuckers”, il sait aussi délivrer une ballade que n’aurait pas renié Otis Redding.
Derrière l’excentricité se cache aussi un militant (pour les droits des homosexuels et transsexuels, pour l’activisme politique anti-extrême droite, bref, un gars vivant) dont les musiciens ne s’économisent pas, avec une mention particulière pour l’organiste qui portera son instrument à bout de bras, au sax baryton qui se baladera dans la salle au milieu du public, imité plus tard par le guitariste hyperactif. et King Khan lui-même, après avoir chanté “I wanna be a girl” qu’un Iggy Pop aurait bien aimé.
Pour les rappels, Khan se dépoilera un peu plus pour n’apparaître que vêtu d’un simple boxer et d’une cape noire… et aussi d’une énorme perruque afro. Provocateur, il glisse le micro dans son boxer, le ressort et le tend aux spectateurs du premier rang qui font mine de le léchouiller, tandis que le saxophone glisse une langue pendante dans l’oreille de son collègue trompettiste. Mais tout cela reste très grand guignol et fun.
L’ambiance est donc encore plus chaude que pour le précédent set. Les musicos envoient des bouteilles d’eau aux spectateurs pour les rafraichir. Dans la salle, les filles transies se trémoussent comme possédées par le diable. Les mecs se lanceront dans un nouveau pogo pour marquer la fin du concert. Jets d’eau et de bière. la scène est gorgée d’eau, le sol est collant. Rock’n’roll quoi ! ?
Compte-rendu de Patrick DUCHER
Photos de Patrick Ducher et Pauline Désormière.
Plus d’infos :
La page du Reverend BeatMan
La chaîne Youtube de King Khan & The Shrines
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Lire aussi notre article sur la partie colloque de PIND par Emmanuelle Blanchet
On peut voir un extrait du concert. Le son pourri témoignage de l’ambiance générale :