Little Bob & Ganafoul : une affiche de rêve pour les amateurs de vrai rock’n’roll le 22 septembre au Ninkasi de Lyon. Patrick Ducher ne pouvait manquer ça. Récit d’un concert qui a réjoui les aficionados.

Little Bob et Ganafoul au Ninkasi Lyon - Septembre 2023

 

Deux légendes pour le prix d’une au Ninkasi ce vendredi 22 septembre : les Lyonnais de Ganafoul retrouvaient leurs copains havrais Little Bob. Le public de connaisseurs se presse dans la petite salle, majoritairement des rockers poivre et sel, longs cheveux, bandanas, jeans et cuir à foison. Pas mal de dames venues avec monsieur, dans la même tenue. Je repère un tee-shirt Status Quo vintage. L’ambiance est bon enfant, passionnée. N’ayant pas vécu à Lyon pendant les années de gloire de Ganafoul, je constate néanmoins que le groupe continue de drainer de fidèles aficionados. Quant à Roberto Piazza aka Little Bob, cela fait 50 ans qu’il arpente l’hexagone et les scènes anglaises. La soirée sera très rock’n’roll !

Ganafoul ne mollit pas devant son public

Ganafoul au NinkasiLe guitariste-chanteur Jack Bon, coiffé d’un inséparable galurin, est accueilli chaleureusement. Beaucoup d’humour parmi les spectateurs aussi (tiens, un nouveau chapeau ?). Le set d’environ une heure démarre au quart de tour et à 100 à l’heure. L’attitude – héroïque, jambes bien écartées – est toujours là, la voix aussi. Le groupe connaît son rock par cœur et enquille les titres sans mollir pour le plus grand plaisir d’un public déjà conquis et qui pogote à tout va, les bras tendus vers la scène (« They say I’m mad but that’s all right »), notamment lors des tubes « Saturday night » ou « Full Speed Ahead ».

En guise d’au revoir, Bon (68 ans) rendra hommage à son aîné (78 ans) en disant : « Sans Little Bob, pas de Ganafoul ». Dire que ce mec-là avait à peine la vingtaine pendant l’heure de gloire du groupe à la fin des années soixante-dix. L’album live qui est sorti en 2023 mérite une écoute soutenue.

Ensuite « Petit Bob » entre sur scène précautionneusement. Il n’a pas été épargné par les épreuves ces dernières années, entre le décès de son épouse en 2019 et un récent accident qui l’a obligé à repousser plusieurs concerts (celui de ce soir était prévu en avril dernier). Quoi qu’il en soit, le bonhomme est toujours porté par un blues qui ruisselle de tous ses pores. Son entourage le couve. On installe un pupitre à côté de lui (« Faut m’excuser, mais sans ça, je serais un peu dans la merde ». Il est cintré de son éternel perfecto rouge et arbore des lunettes noires qu’il ôte très vite (« je les enlève pour mieux vous voir »). Une épaisse crinière blanche encadre son visage émacié.

Little Bob, le rescapé

Little BobIl s’assoit sur un petit tabouret dont il se lèvera par moments pour enjoindre le public à frapper des mains. La setlist comprend de très vieux morceaux, notamment les inusables « Riot in Toulouse » et « High Times ». Plusieurs reprises également (« Lucille », « Heartbreak hotel »). Au milieu du concert, il se lance dans une interprétation très personnelle de « Bela Ciao », rappelant au passage que cette chanson était à l’origine un hymne antifasciste avant d’être récupérée un peu partout.

Il ne fait qu’un avec son micro, le tendant par moment en direction du public, serrant des pognes au passage. Il a de toutes petites mains, chaleureuses. La démarche est un peu hésitante et c’est un miracle de le voir encore debout. Pour autant, il ne vit pas dans le passé comme en témoigne « We Need Hope » (un album de 2018 s’intitule  « New Day Coming »). À la guitare, à la gauche de la scène, le fidèle Gilles Malet, le cheveu en pétard comme à son habitude, livre un blues impeccable, que complète la rythmique de Bertrand Coloume à la contrebasse et du musculeux Matthieu Poupard à la batterie. Un clavier complète l’ensemble, mais on regrette l’absence de l’harmoniciste Mickey Blow. Bob interprète au passage « Libero », un morceau entendu dans le film du finlandais Aki Kaurismaki, Le Havre (2011). Le port normand n’est jamais loin même en concert.

Rock’n’roll is here to stay

Bob raconte dans un demi-sourire qu’il a été fait Chevalier des arts et des lettres. Sifflets d’appréciation dans la salle. Il assure encore plus d’une vingtaine de morceaux et un généreux rappel. Le groupe est rejoint pour l’occasion par Jack Bon, comme au Quai 472 de Villefranche en mai 2019 lors de son dernier passage dans la région. Au bout de près d’une heure et demie, c’est l’heure du départ un peu rapide (« on nous demande de terminer »). Le stand de merch est pris d’assaut. Je croise un vieux fan qui a repéré mon numéro de Best de 1977 (avec Little Bob Story en couverture) que j’ai apporté dans l’espoir d’une griffe. « Je les ai vus à Mont-de-Marsan en 1977. Les Damned ont refusé de jouer après tellement ils avaient été impressionnés ». Imprimer la légende…

Derrière le stand, Bob accueille les fans et signe une multitude de 45 tours, de photos diverses. Il a remarqué que je tentais de capter son attention avec mon magazine (« j’ai vu ton post sur Facebook » me dit-il l’œil malicieux). Il me dit regretter la complexité et le coût pour monter un concert puis peste contre les horaires contraints. Il est à peine onze heures du soir, un groupe de rap joue à fond dans la salle à côté. Il aurait certainement joué plus. En regardant la couverture de Best que je lui présente, il évoque ses musiciens disparus, les deux fois où il a joué avec les Stranglers – quand les punks lui balançaient des canettes au visage dans l’Angletterre de 1977. Il semble être comme un poisson hors de l’eau. Manifestement, il ne se sent bien que sur scène. Rock’n’roll is here to stay…

 

Texte et photos : Patrick Ducher

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