De notre envoyé spécial Patrick Ducher

AVEC SON JEAN À OURLETS, SA VESTE SAVAMMENT ÉLIMÉE, SON T-SHIRT ANDY WARHOL, SES TATOOS, SES BAGOUSES ET SA PILOSITÉ FACIALE DIGNE DE FRÉDÉRIC BARBEROUSSE, AVISHAI COHEN RESSEMBLE PLUS À UN HIPSTER VENANT JOUER DE L’ÉLECTRO QU’À UN TROMPETTISTE ORIENTÉ “HARD BOP”. PENDANT PRÈS D’UNE HEURE TROIS QUARTS, IL VA RAVIR UN PUBLIC D’AMATEURS – PRÈS DE 300 SPECTATEURS SE SONT AMASSÉS DANS LA CHAPELLE MÉJAN DANS LAQUELLE IL FAISAIT TRÈS CHAUD POUR CETTE 22ÈME ÉDITION DE JAZZ IN ARLES. SON SET A DÉBUTÉ À 21 HEURES 30. INSTANTANÉMENT, LE QUARTET S’EST MUÉ EN UN ENSEMBLE COMPACT QUI VA TISSER DES NAPPES SONORES ATMOSPHÉRIQUES DANS LESQUELLES L’AUDITEUR SE LAISSERA EMPORTER SUBTILEMENT

Le batteur américain Nasheet Waits semble très fatigué – le quartet jouait la veille à Fribourg, le lendemain à Berlin – mais son leader glisse à la cantonade qu’il est simplement “concentré”. Pour preuve, il alterne balais et baguettes et mène une rythmique toute en finesse, avec application, les yeux souvent fermés.

Sur le troisième morceau extrait de l’album précédent de Cohen Into the silence (grand prix de l’académie du Jazz 2016) , le trompettiste s’empare d’une sourdine cabossée. On décolle alors vers des territoires milesdavisiens, ambiance Ascenseur pour l’échafaud.

Le pianiste Yonathan Avishai se lance ensuite dans un long morceau aux influences bluesy auquel répond le contrebassiste Yoni Zelnik. Le pingpong sonore va se dérouler sur plus d’une dizaine de minutes. Le public est suspendu aux doigts des instrumentistes. Cohen se déplace vers le côté de la scène – le plancher en bois craque – pour regarder ses musiciens. Il semble admiratif. Applaudissements à tout rompre.

Les lieux donnent une texture particulière au concert. En effet, des photographies de l’artiste plasticien Ernest-Pignon Ernest ornent les murs de la chapelle. Les ombres de Rimbaud, de Maïakovski, de Pasolini, ou encore de Neruda ajoutent à l’atmosphère très spéciale de la soirée.

Cohen embarque les spectateurs dans un voyage à la fois musical et poétique. Venu présenter son tout dernier album Cross my palm with silver publié chez la prestigieuse maison de disques ECM, il a enchanté un public exigeant, qui s’est mis debout. Avishai explique que le groupe va terminer par un “quiet number”. Deux rappels suivront. Il faisait décidément très très chaud dans cette chapelle.

Je cueille le trompettiste à la fin du set. Il me demande si j’ai apprécié le concert. Je glisse que si l’esprit de Clifford Brown (1930-1956) a plané au début du set, c’est celui d’Avishai avec lequel je repartirai ce soir. Il sourit et griffonne une dédicace sur le CD. J’avise ensuite Nasheet Waits, décidément bien fatigué, mais qui accepte lui aussi de déposer sa griffe. Je termine par le pianiste Yonathan Avishai qui semble tout intimidé, presque étonné par l’accueil. La responsable de l’événement remarque que les musiciens restent agglutinés près de la scène et s’approche d’eux pour les inviter à échanger avec le public.

En première partie, Elodie Pasquier a joué des morceaux avec une clarinette basse imaginés à partir de petits riens : l’histoire d’un poisson rouge prénommé Christine, d’animaux de basse-cour quand elle vivait à la campagne… Pour s’imprégner de ces ambiances tout en finesse, il fallait fermer les yeux et se laisser bercer par le souffl e saccadé de l’artiste. Dehors, il fait frais, l’esprit est ailleurs. On longe le Rhône, la tête dodeline. C’était bon.

Reportage : (C) Patrick Ducher – (c) Photos : Patrick Ducher & Pauline Désormière

 

Les musiciens :

Elodie Pasquier (clarinettes solo).

Avishai Cohen Quartet avec Avishai Cohen (trompette), Yonathan Avishai (piano), Yoni Zelnik (contrebasse) et Nasheet Waits (batterie).

 

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