Pour la 2e année consécutive, la médiathèque Pierre Mendès-France et le cinéma Les 400 Coups s’associent pour proposer un cycle de conférence sur le cinéma. Pour 2018, le thème choisi est une véritable gourmandise : le polar asiatique. Le conférencier n’est pas moins réjouissant puisqu’il s’agit de Bastian Meiresonne, spécialiste du cinéma asiatique, surtout connu pour être le programmateur du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul.

La première partie du cycle, le 9 février était consacré au polar japonais, genre arrivé assez tardivement dans l’histoire de ce cinéma pourtant très ancien. Dès 1899, des premiers courts métrages de fiction sont tournés au Japon. Unique au monde : on y trouve des films d’horreur ou de fantômes, en fait très inspiré par le Kabuki.

Si le cinéma japonais s’organise rapidement en véritable industrie, très vite aussi apparaissent les premiers critiques professionnels qui prennent l’habitude d’analyser finement les images. Résultat, une grammaire cinématographique est établie et le cinéma japonais produit des œuvres de grandes qualités. Dans les années 1920, les films, muets, sont accompagnés d’un récitant, souvent plus célèbre que réalisateurs et comédiens. Un système de studio se met en place.  Le cinéma japonais arrose tout le monde asiatique.

Mais dans les années 1930, ce cinéma si créatif devient un redoutable outil de propagande dans les pays occupés par l’empire nippon. Avec parfois quand même des effets positifs, puisque cela permet à certains pays, telle la Thaïlande, de s’initier au 7e art.

Après-guerre, le cinéma se relève spectaculairement. Durant la décennie 1946/1956 on compte 1 milliard de spectateurs par an !

Les années 1950 sont considérées comme l’âge d’or du cinéma japonais. Plus de 500 films sont tournés par an tous genres confondus.

L’arrivée de la TV en 1960, puis des VHS en 1980 et des multiplexes en 2000 semble tirer inexorablement le cinéma japonais vers le bas.

Le polar à proprement dit – construit autour d’une enquête policière – n’existe pas vraiment au Japon

Le polar à proprement dit – construit autour d’une enquête policière – n’existe pas vraiment au Japon. Il faut plutôt parler de film de yakuza. On en trouve des signes précurseurs dans les années 1920, avec des films dont le héros est le bakuto, ou vagabond-joueur, personnage traditionnel du XVIIIe siècle. A l’époque du cinéma de propagande, on ne trouve plus de trace de film de ce genre. Il faut attendre 1948 et L’Ange ivre de Kurosawa pour retrouver un film noir, plus que polar.

C’est dans les années 1950 que le genre explose, avec l’influence grandissante des yakuzas et du cinéma américain.  On tourne à la chaine des films d’Exploitation – autre nom des séries B. Les héros sont des voyous, un peu moins voyous que les autres… Le thème des films à succès est repris ad nauseam.

Au milieu de tout ça émerge le réalisateur Seijun Suzuki qui réveille le genre en lui apportant esthétisme et onirisme.  Son cinéma ultra créatif a été une source d’influence pour de nombreux cinéastes, Jim Jarmush ou Quentin Tarentino, notamment.

En retour de bâton, les années 1970 sont marquées par un retour à l’ultra réalisme avec des scénarios inspirés de faits-divers. Dans les années 1980, l’arrivée du VHS fait que beaucoup films ne sortent qu’en K7, échappant à la censure. D’où un déferlement de films hyper violents. En général peu de grand films à cette période, à l’exception ceux de Yasunori Imamura. L’arrivée du numérique relance la créativité, de nouveaux cinéastes émergent. Une thématique de prédilection : yakuza qui sort de prison et peine à se réinsérer dans la société… Dans l’ensemble c’est un cinéma plutôt nihiliste.  C’est à cet époque qu’apparait l’immense Takeshi Kitano. Animateur TV, comique, poéte, peintre, l’homme, génial et atypique, impose son univers. Surtout à l’étranger… Après une quizaine de films, pas mal de chefs-d’œuvre, et quelques gros ratages, Kitano a raccroché sa caméra pour se consacrer à la TV, où il anime une émission qui ferait passer Touche pas à mon poste pour un talk-show intellectuel !

Aujourd’hui, hélas, la plupart des films japonais distribués en France sont des co-productions avec des financements européens, peu représentatifs du cinéma du pays.

CR et photo : Emmanuelle Blanchet

 

Prochaines dates :

  • Le 16 mars :  le polar hong-kongais  avec la projection du film Infernal Affairs d’Andrew Lau et Alan Mak
  • Le 25 mai : le polar coréen avec la projection de Memories of murder de Bong Joon-ho

 

 

 

 

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