Baxter Dury, fils de Ian Dury, chouchou de Nova ou des Inrocks était pour la 3e fois à l’Epicerie Moderne, à Feyzin le 1er mars dernier. Notre envoyé spécial, Patrick Ducher, l’a vu pour vous (et un peu pour lui aussi !). Compte-rendu.

“DANDY”. On lit souvent ce terme dans la presse musicale spécialisée pour qualifier le chanteur anglais BAXTER DURY. On se demande bien pourquoi et on expliquera notre questionnement plus loin. L’Épicerie moderne de Feyzin (69) était pleine ce jeudi 1er mars pour l’accueillir dans le cadre de la tournée suivant la sortie de son (excellent) cinquième album Prince of Tears. Baxter connaît bien notre région puisque c’était son 3ème passage dans cette salle, en plus des Invites de Villeurbanne et du Marché Gare de Lyon !

Halo Maud assure la première partie, un quartet guitare (Maud donc), basse, batterie et claviers. Ambiance électro-rock planante, mélancolique et nerveuse. La voix de Maud est caressante mais on perçoit une capacité à la triturer pour emmener le public vers un brin de folie. C’est le cas sur Des bras, le dernier titre de son (trop) court set d’une trentaine de minutes. Le début du morceau n’est pas sans rappeler le Pink Floyd période Syd Barrett, avec des nappes de clavier électronique et des arpèges de guitare. “Tu m’as attrapé par le bras, le froid, on ne s’en souvient pas” murmure-t-elle. Les paroles tournent comme des volutes. Puis la batterie devient nerveuse, la voix de Maude monte et se perche pour se transformer en un cri, une vocalise lancinante (ah – ah-ha aaahh). Une belle entrée en matière.

15 minutes de break. Une silhouette dégingandée s’avance ensuite sur le devant de la scène, deux jeunes femmes prennent place derrière des claviers – on reconnaît la française Lilimarche chaussée de “platforms shoes” flashy – un guitariste, un bassiste et un batteur se cachent derrière ce trio. Le set de Baxter sera ténu (1 heure et 15 minutes, identique à celui joué à la Route du Rock de Saint-Malo une semaine auparavant) et quasiment sans temps mort. Les titres sont tous issus de ses trois derniers albums, ceux qui l’ont révélé au public français et dont les médias spécialisés, des Inrocks à Nova, ont fait leur chouchou.

Les chansons de Baxter Dury ressemblent à de petites histoires tristes faites de ruptures et d’accidents de parcours. Elles sont remplies de personnages pathétiques. Il a le bon goût d’enrober ce qui pourrait paraître lugubre d’une voix de crooner sensuelle sur des rythmes pop-rock entraînants. Les arrangements sont à la fois d’une simplicité désarmante et pourtant très travaillés (avec de superbes arrangements de cordes sur les disques).

Les chansons de Baxter Dury ressemblent à de petites histoires tristes faites de ruptures et d’accidents de parcours.

Sur scène, Dury joue à être anglais d’une certaine manière : il se trémousse maladroitement et se fiche complètement de danser en étant raide comme un poteau télégraphique. On remarque trois binouzes décapsulées posées au pied de son clavier. Il n’y touchera pas mais s’enfilera trois ballons de rouge (“du Côtes du Rhône, Baxter ?” lance un spectateur hilare). L’occasion pour lui de faire le pitre en triturant sa cravate – il est habillé d’un costume sombre rayé qui le fait ressembler à un employé de banque – et en l’enroulant autour de son micro. En fait, Baxter n’est pas un “dandy”, il est … décalé et rigolo parce que faussement maladroit. Les filles ont envie de le prendre dans leurs bras pour consoler ce cocker triste et les mecs aimeraient bien avoir sa nonchalante élégance.

Il a de qui tenir. Son père, Ian, a pondu la chanson-manifeste Sex and drugs and rock’n’roll et pavé le chemin pour tout un courant pop-rock, post-punk allant de The Jam à Madness en passant par Elvis Costello et bien d’autres, tout en alliant tubes imparables (Hit me with your rhythm stick) et chansons sociales décrivant des petites gens avec humour et tendresse.

Le fils est un peu barré. Sur Porcelain, le voilà qui se couche par terre tandis que Madelaine Hart – sa choriste et complice depuis le fameux album Happy Soup (2011) – balance “I don’t wanna leave this house, I don’t think I like you that much, But I will not leave this all alone, You can sit and wait for something You can sit and wait” de façon lancinante sur une rythmique industrielle.

Impavide, Baxter pose son pied droit sur le rebord de son clavier et se met à relacer sa chaussure avant d’enbrayer comme si de rien n’était. Sur Letter bomb, il est figé derrière son micro, quasi-épileptique pour hurler “Letter bomb! Letter bomb! (Lalala, la la, lalala, la la)” pendant deux minutes. Le son se fait plus funky et lourd, notamment à partir de Pleasure. Son show est rôdé. Baxter tient son public au creux de sa main, et lui balance son personnage de nightclubber pathétique sur le récent tube Miami : “I’m the great sleeper, I’m the bookkeeper, I’m the vicar, I’m the main course, I’m Morgan fucking Freeman, I cut master Neon Angels, I’m the night chef, The eye doctor, Mister Maserati…” en mode parlé-chanté avec un accent cockney outré tandis que Madelaine assène “Welcome to Miami now, Broken promises are here, I don’t know, you don’t know, Welcome to Miami now”…

Suivent deux titres en rappel, dont Prince of tears qui est probablement sa plus belle chanson triste “Prince of tears, prince of tears No one’s gonna love you more than us”. Entretemps, il s’est habillé d’un peignoir rouge vif arborant les mots “The prince of tears” brodés dans le dos, tel un boxeur déglingué (l’album du même nom est né d’une rupture sentimentale). Et une petite surprise : un titre bonus, non prévu sur sa set list The sun, sans doute pour récompenser un public plus qu’enthousiaste ?

À peine le concert terminé, le voilà en compagnie de Madelaine Hart et de Maud – qui accompagne le groupe de Dury sur sa tournée européeenne – pour signer des CD et des posters. Un petit mot pour chacun, oui, c’est possible de faire une photo ! Je glisse à Madelaine “Lovely gig” et j’obtiens en retour un joli sourire et un “So glad you liked it”. Desperately pleasant indeed.

Setlist : 1. Isobel 2. Listen 3. Trellic 4. Picnic On The Edge 5. Porcelain 6. Mungo 7. Letter Bomb 8. Almond Milk 9. Oi 10. Wanna 11. August 12. Pleasure 13. Palm Trees 14. Miami 15. Cocaine Man 16. Prince of Tear 17. The sun // Set liste de Halo Maud : À la fi n 2. Du pouvoir 3. Wherever 4. Baptism 5. Tu sais comme je suis 6.Des bras ­

Compte-rendu de Patrick DUCHER

Photos : (c) Pauline Désormière

 

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