Concert Bernard Lavilliers - Radiant - Caluire

Reportage de notre envoyé spécial Patrick Ducher

Il y a 37 ans sortait Pouvoirs le sixième album studio de Bernard Lavilliers. Il ne rencontra pas le succès à l’époque. Jugeant que les thèmes explorés alors (paranoïa, lobotomisation des esprits, peur du pouvoir…) étaient d’une actualité brûlante, le chanteur stéphanois a décidé d’en rechanter la quasi-intégralité sur scène, avec en prime de nombreux titres exhumés des années 70, dans le cadre d’une mini-tournée d’une dizaine de dates, en attendant le prochain album au printemps 2017.

Pochette Pouvoirs - LavilliersC’est une salle remplie qui accueille avec ferveur le quasi-régional de l’étape. Surprise : il enquille six titres sans coupure avant de donner l’occasion au public d’applaudir. On sent sa voix diminuée – la faute à la climatisation du TGV – mais il fait comme si de rien n’était, prenant le public à parti (“Ma femme m’a concoté un remède spécial”). Il assurera le show avec une belle énergie. Lavilliers avait déjà puisé de vieux morceaux de son répertoire – surtout ceux des années 80, ceux qui ont contribué à bâtir son image de baroudeur costaud – lors de ses trois tournées précédentes. Il régala son public avec des titres rarement entendus à la radio tels que La grande marée, CIA, ou Les aventures extrordinaires d’un billet de banque. Sans doute frustré de voir les spectateurs trop sagement assis, il lance “Les filles, vous au moins, vous aurez les couilles de venir danser devant !”. Il n’en fallait pas plus pour voir le devant de la scène se noircir de danseuses (et de quelques danseurs aussi, dont le scribe). Le concert était vraiment lancé ! De la trentenaire à la sexa, une ferveur particulière se propagea instantanément.

Lavilliers est tout au bord de la scène, au plus près de ses fans. Des bras se tendent, il serre des mains extatiques.

Bernard Lavilliers Une petite pique pour Sarkozy, une déclaration d’amour à l’anarchie, c’était attendu. Mais la soirée allait connaître des moments d’émotion, notamment quand Lavilliers évoque son père décédé il y a un peu plus d’un an – et auquel il dédia son titre emblématique Les mains d’or – mais aussi à sa mère, partie il y a 4 ans. L’oeil est rouge, la diction hésitante. Très vite le rythme impulsé par ses quatre musiciens poly-instrumentistes prend le dessus. Le batteur viendra jouer de la guitare, le claviériste passera de son orgue Hammond 1961 de 300 kilos à un accordéon, le trompettiste grattera les cordes d’une guitare, seul le bassiste ne changera pas d’instrument. Sur le tube Traffic, Lavilliers est tout au bord de la scène, au plus près de ses fans. Des bras se tendent, il serre des mains extatiques. A 70 ans, il se meut toujours sur scène tel un fauve d’amazone.

Politique il l’est définitivement (Faits divers, 3èmes couteaux, Noir et blanc, Etat des lieux, L’exilé).Néanmoins, il choisit de délaisser le titre Bats toi – un appel un peu simpliste à l’insurrection – de l’album Pouvoirs pour se faire subtil et romantique sur Fortaleza ou On the road again, repris en coeur par toute la salle à laquelle il explique que sa chanson-phare est connue jusqu’en Chine et qu’”il ne faut pas la chanter trop fort, sinon ça fait vulgaire !”

La salsa n’a pas été de la partie, mais beaucoup de paires d’yeux s’embuèrent suite à l’interpétation de Est-ce ainsi que les hommes vivent ? le poème de Louis Aragon. Un concert de Lavilliers, c’est aussi l’occasion de retrouver de vieux amis, ou de s’en faire de nouveaux, le temps de deux heures de musique. C’est peut-être ce qui manque un peu à notre époque, le lien social. Alors rêvons au Brésil, à des territoires lointains, à de drôles d’histoires…

CR (C) Patrick Ducher – Photos Patrick Ducher et Pauline Desormière

Les titres joués sur scène : 1. La peur 2. Frères de la côte 3. Soeur de la zone 4. Frères humains synthétisés 5. Urubus 6. La peur 7. Les aventures extraordinaires d’un billet de banque 8. CIA 9. Le scorpion 10. Etat des lieux 11. Faits divers 12. Noir et blanc 13. La grande marée 14. Stand the ghetto 15. Traffi c 16. Fortaleza 17. On the road again 18.3èmes couteaux 19 L’exilé 20. Les mains d’or 21. Est-ce ainsi que les hommes vivent. Les musiciens : Xavier Tribolet : orgue, guitare, batterie ; Olivier Bodson : guitare, trompette ; Mickaël Lapie : Batterie, guitare ; Daniel Roméo: basse.

Bonus : un extrait de  “L’exilé”

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