Best Of Floyd | Arcadium Annecy (samedi 9 mars 2024)
On avait laissé les Best Of Floyd en configuration « Essentials » (réduite) au fin fond de la campagne iséroise dans une salle comble et ravie (400 personnes). On les a retrouvés au grand complet (9 musiciens, dont trois choristes) à l’Arcadium d’Annecy dans une salle comble de nouveau (1700 personnes). Et cela, comme le soulignait Bertrand Lefebvre en ouverture du concert, malgré l’inflation, le climat ambiant morose et les bouchons des retours de vacances.
Un show en deux parties
La première partie comprend plusieurs moments de bravoure : le concert début ainsi avec Shine On Your Crazy Diamond. Le spectateur reste suspendu aux notes de guitare étirées au maximum. Learning To Fly suit puis un medley de Dark Side. Le fan averti reconnaît ensuite les premières notes de piano de The Great Gig In The Sky et retient son souffle, car c’est LE moment où les trois choristes n’ont pas le droit à l’erreur. C’est Noémie qui se lance, suivie de Marie puis de Marina. Les voix sont rauques, âpres et marquent un instant important du show. Sur The Happiest Days of Our Lives, on trépigne car on sait que Another Brick In The Wall va nécessairement suivre. Pour l’occasion, le groupe a enrôlé une chorale d’une trentaine de jeunes enfants, pilotés par le leur professeur de musique, également claviériste Sébastien Ducroux. Ceux-ci sont tous de blanc vêtu et arborent un masque similaire à celui des shows originaux. Les éclairages rosés sur ce morceau sont saisissants : on a véritablement l’impression d’être au cinéma, que les kids sont en 3D et qu’ils vont être projetés vers les spectateurs depuis la scène.
La relève est assurée
Autre temps fort – et surprise – de la première partie, l’inusable Comfortably Numb. Le tube qui clôture de nombreux concerts de Gilmour est ici placé comparativement bien en amont de la setliste habituelle. Et pour l’occasion, le chanteur-guitariste et fondateur des Best a choisi de laisser les clés du camion au jeune (16 ans et 6 ans de guitare) Tristan Cassou, dont j’avais relaté le show dans la petite salle du Vox à Saint-Cristoly-en-Blaye en Gironde. La virtuosité, cependant, ne fait pas tout. Elle doit en effet trouver sa place au sein d’un collectif bien huilé composé de fortes personnalités et de musiciens aguerris. Tristan a assuré comme un chef, sans se prendre pour un guitar hero et en livrant ce qu’il faut pour déclencher les applaudissements nourris du public.
Une deuxième partie « High On Emotion »
Les Best Of Floyd ont choisi de célébrer les 30 ans du dernier album studio des Floyd, The Division Bell, en l’interprétant dans son intégralité, ce que n’avait jamais fait le groupe originel. Des morceaux atmosphériques comme Cluster One et Marooned – remarquablement interprété de nouveau par Tristan en solo), de même que Take It Back ou Lost For Words refont surface et permettent aux fans de se rafraîchir les oreilles. L’ambiance est calme, presque reposante et surtout « high on emotion » comme le dit le slogan de la soirée. Le premier rappel déclenche les applaudissements nourris de la foule : trente enfants portant de petits lumignons sur High Hopes… séquence émotion ! Le morceau final est pétaradant avec l’indémodable Run Like Hell.
Une affaire de famille
La Covid a laissé des traces profondes dans la société et le monde du spectacle n’y échappe pas non plus. Netflix et la dématérialisation des supports culturels ont causé des dégâts en profondeur. Se déplacer pour assister à un spectacle vivant relève d’une volonté et d’un effort surhumain. Tourneurs et acteurs du monde culturel se creusent la tête pour faire venir les spectateurs. Il existe de véritables enjeux sociaux et économiques, en plus d’une logistique et d’une scénographie toujours plus complexes à assurer pour les tributes professionnels, les amateurs se faisant forts d’être au diapason des attentes de leurs fans.
Christian Alciato, régisseur production des Best Of Floyd, me confiait que le spectacle à l’Arcadium représentait six mois de boulot. Il a fallu monter une boîte de production en investissant ses propres deniers en compagnie de proches associés au groupe, gérer la logistique autour (billetterie, communication…), imaginer de nouvelles scénographies. En régie, Raph Moquet, Jean-Louis Parigot, l’ingé-lumière sont sur des charbons ardents.
Les animations vidéos et les petits films de Stéphane Terris projetés sur un écran derrière le groupe font merveille. Le spectateur n’imagine pas le travail en coulisse. Le résultat est là : une salle pleine qui applaudit (il a fallu rajouter des sièges deux jours avant le concert !) et qui se pressera à la fin de concert pour obtenir un 45 tours signés de tous les musiciens. Ceux-ci sont très abordables, enjoués et, surtout, ne tentent pas de voler la vedette aux « vrais » héros que sont les quatre membres originaux des Pink Floyd.
A souligner en coulisse aussi, le travail remarquable de Corinne Marion-Gallois : la production de ce spectacle a été assurée par sa société, New Gold Dream Records, et CN 79.
Le succès des tributes « made in France »
Un chapitre du premier volume de mon livre « Pink Floyd en France » est consacré au « tributes » français de Pink Floyd. Quel ne fut pas mon étonnement de constater par la suite que j’avais sous-estimé l’ampleur du phénomène. Quasiment chaque région de l’hexagone a son propre tribute, amateur ou professionnel : En Normandie, les Brain Damage, dans le Nord, les Back To The Floyd, dans l’Est les East Floyd et les SoFloyd, dans l’Ain, les Feel Of Floyd etc. etc.
Certains ont forgé leur légitimité depuis plus de vingt ans, d’autres surfent sur une mode. Le public – majoritairement des sexas ou quinquas – a rendez-vous avec sa jeunesse. Or, j’ai été agréablement surpris de découvrir aussi que les enfants, voire les petits-enfants de certains fans de la première heure, étaient présents à ce genre d’événement. La concurrence est rude, mais Renaud Laporte, guitariste des Best Of Floyd, préfère y voir une saine émulation. De son côté, le batteur Yannick Mestrallet estime qu’on ne peut pas faire n’importe quoi sur du Pink Floyd. Malgré tout, on remarque durant le show plusieurs petites touches qui font que le spectateur n’a pas l’impression d’écouter un CD, notamment grâce à la trompette de l’anglo-savoyard Richie Cundale.
Des rencontres chaleureuses
Le stand du merchandising est assailli de spectateurs désireux de repartir au bout de deux heures et demie avec un souvenir (poster, tee-shirt, autocollant, affiche…) et aussi d’un 45 tours dédicacé. Juste à côté, positionné stratégiquement à l’entrée des portes de l’Arcadium où je propose mon livre « Pink Floyd en France – Les dernières briques », une sémillante quadra me demande une dédicace pour son frère aîné, fan depuis ses douze ans (elle-même ayant découvert le groupe à … sept !).
Un sexagénaire me dit très bien connaitre les Pink Floyd (« j’ai lu tous les livres »). Il ne savait pas que The Wall avait eu un jeune ingénieur du son français aux manettes, Patrick Jauneaud, que j’ai eu l’honneur l’interviewer. Remarquant le tee-shirt japonais d’un fan, celui-ci s’empresse … de me l’offrir. Un sculpteur est venu avec les deux statues iconiques de l’album The Division Bell pour les offrir après le concert. Échange d’anecdotes, d’impressions… On sent une réelle ferveur. Shine on, crazy diamonds !
Texte, photos et vidéo : Patrick Ducher
La setlist 1ere partie : 1. Shine On You Crazy Diamon 1-5 2. Learning To Fly 3. Have A Cigar 4. Medley : Us & Them-Any Colour You Like-Brain Damage-Eclipse 5. The Great Gig In The Sky 6. The Happiest Days of Our Lives 7. Another Brick In The Wall 8. Comfortably Numb 2ème partie : Cluster One 2. What Do You Want From Me ? 3. Poles apart 4. Marooned 5. A Great Day For Freedom 6. Wearing The Inside Out 7. Take It Back 8. Coming Back To Life 9. Keep Talking 10. Lost For Words 11. High Hopes
Rappels : 1. Wish You Were Here 2. Good By Blue Sky 3. Run Like Hell
Retrouvez l’interview de Tristan Cassou : https://pinkfloydenfrance.com/actualites-pink-floyd-france
Extraits du concerts :
Le solo de Marooned :