Depuis cette rentrée, Bertrand Lamure remplace Mohamed Biskri, parti pour de nouvelles aventures, à la Librairie des Marais. Mais on garde les bonnes habitudes : tous les mois il nous proposera non plus un, mais plusieurs coups de coeur dans différents genres, roman, polar, BD, littérature jeunesse. Ce mois, il conseille notamment la réédition de Watership down de Richard Adams
Watership down de Richard Adams – Editions Monsieur Toussaint Louverture
Véritable best-seller mondial, vendu à 50 millions d’exemplaires à travers le monde depuis sa sortie en 1972 mais trop peu connu en France…
C’est le premier roman de Richard Adams, écrit pour ses filles à l’âge de 50 ans, dont le titre évoque un hameau proche de chez lui dans le Yorkshire. Il nous offre , ici, un magnifique conte aussi bien pour les adolescents que pour les adultes. Il est question d’amitié, d’amour, de haines, de conquêtes, de stratégies politiques et militaires mais aussi de paix et de happy end !!! Toute la panoplie des sentiments… entre lapins !
C’est une ode à la nature, aux animaux, c’est la découverte d’un nouveau langage que Richard Adams a inventé (le lapin farfale, a peur du vilou…)
Les éditions Monsieur Toussaint Louverture ont eu la très bonne idée de nous faire redécouvrir ce petit bijou écolo-animalier mais pas que… et surtout notre vision du lapin sera à jamais différente !
Le verger de marbre, d’Alex Taylor – Editions Gallmeister
C’est un coin de verdure au fin fond du Kentucky, étouffé sous les arbres, sans lumière, troué de pierres tombales. Ce verger de marbre, enveloppé de noir, est un cimetière. C’est là que vont les hommes du pays, rompus par une vie de misère. Et c’est là qu’ira sans doute bien trop tôt Beam Sheetmire, dix-sept ans, parce que, pour ne pas se faire dévaliser, il a tué un homme. Pas le bon, on dirait, puisque le père de cet homme, Loat Duncan, fait régner sa loi dans le comté : celle du sang versé.
Ainsi commence cette chasse à l’homme, cette cavale désespérée d’un jeune gars presque innocent, confronté à la cruauté bête et méchante d’un homme qui va vouloir venger son fils, accompagné de sa horde de dobermans, de son homme de main et d’un étrange routier en costume, personnage incongru aux motivations mystérieuses, dont le sourire et l’apparente sympathie ne sont que les masques déguisés de sa férocité.
Dans ce coin-là du Kentucky, vide et désargenté, il ne fait pas très bon vivre, et il ne fait surtout pas bon titiller Loat Duncan et sa meute. Quand il vous aime, il vous cogne. Quand il vous hait, mieux vaut faire comme le shérif : tenter au mieux de sauver sa peau.
A travers une écriture très travaillée qui sublime par sa qualité la noirceur de cette tragédie rurale, Alex Taylor livre un polar sombre et poétique, aux airs d’un film des frères Coen, où une jeunesse terne, sans joie et sans avenir, voit le peu de vie qu’il lui reste confisqué par des adultes brutaux et sanguinaires.
Le grand verger de marbre est un coin sombre et froid, plein de misère humaine, où tournent dans le ciel des nuées de vautours et d’oiseaux de malheur.
Kobane Calling, de Zerocalcare – Editions Cambourakis
Les éditions Cambourakis publient le deuxième album de l’auteur de BD et bloggeur italien Zerocalcare, petit punk militant et nonchalant, parti à Kobané, un canton de la Rojava, où une armée de femmes kurdes et de résistants repousse l’avancée de Daech, en prônant l’émancipation des femmes et l’égalité pour tous, en même temps qu’ils se défendent contre une armée turque un brin répressive… Tout un programme !
Mais que fait donc ce mec à la cool pas entrainé, sans un pète de muscle, en pleine zone de guerre, à quelques mètres à peine des territoires où Daech a établi ses quartiers ? Pas d’explication rationnelle en vérité, ni même propre à une folie passagère et discrètement suicidaire : Zerocalcare y va avec sa peur, son cœur, et les quelques tripes qu’il lui reste parce qu’une jeunesse combat là-bas des idéaux dans lesquels il se reconnaît. Parce qu’il se sent concerné, comme chacun de nous devrait l’être.
Voilà pourquoi, même si ses explications géopolitiques sont simplifiées, délivrées avec une naïveté spontanée attendrissante, et accompagnées d’un lot de conneries en tous genres – Zerocalcare est un sacré petit plaisantin, même au cœur de la mouise – la lecture de cette bande dessinée est nécessaire et importante pour tout le monde, et tout spécialement pour la jeune génération.
Avec lui, on est abasourdi, on se sent embarqué, on se sent concerné.
Il suffit en tout cas de quelques pages pour se rendre compte du « ton » inhabituel de ce carnet de voyage qui démystifie totalement le voyageur humanitaire curieux de tout et brave en toute circonstance.
Zerocalcare, accompagné d’un tatou et d’un mammouth imaginaires, laisse libre court à ses faiblesses, sans jamais tenter de les sublimer : son dessin est inventif et foisonnant et son récit frais, spontané, souvent très drôle et profondément humain.
Voilà une bande dessinée utile qui fait marrer, qui fait trembler et qui témoigne d’un combat pour la liberté et la fraternité trop peu connu, trop peu encouragé ou aidé. Un combat contre les préjugés, l’hypocrisie occidentale et contre la barbarie. A lire donc, absolument !
Oh non, Georges ! de Chris Haughton – Editions Thierry Magnier
George, joyeux chien aux yeux bleus et aux oreilles tombantes, se trouve face à un grand dilemme: obéir à son jeune maître Harris et rester sage durant son absence ou … engloutir un magnifique gâteau, courir après le chat et creuser des trous dans le parterre de fleurs. George essaie, mais n’y arrive pas. Sans rancune, ils partent tous deux en promenade. Mais une fois dehors, les tentations restent omniprésentes: George arrivera-t-il à se maîtriser ?
Le suspense reste entier quand notre sympathique héros se retrouve devant une poubelle aussi alléchante que répugnante, y plongera-t-il ou pas ? La fin ne le dit pas…
Chris Haughton est un illustrateur irlandais. Il illustre régulièrement pour The Guardian et d’autres journaux. Avec un graphisme personnel assez avant-gardiste, il donne du relief à ses personnages, les rendant attachants et expressifs. Un récit bien ficelé mis au service d’une comédie philosophique drôle et bien enlevée !