Après plus de 110 dates au compteur,  les Depeche Mode ont rempli l’Accor Hotel Arena ce dimanche 3 mars 2024, dans le cadre d’une tournée entamée l’an passé à la suite de l’album Memento Mori. Le groupe s’était produit au stade de France l’an passé, ainsi qu’à Lille, Lyon et Bordeaux. Le public est toujours au rendez-vous et draine même les enfants des fans des années 80 et 90. Reportage au cœur de la fosse…

Depeche Mode en concert à Paris - mars 2024

DEPECHE MODE EN CONCERT : UNE EXPÉRIENCE À VIVRE AUSSI DANS LA FOULE

 

Les purs et durs sont là depuis le matin, agrippés aux barrières, en dépit d’une météo pluvieuse. Ils sont venus de toute la France. Beaucoup ont déjà vu le groupe l’an passé, mais en redemandent. Arrivés vers 13 heures, nous faisons vite connaissance avec un groupe de quatre copines infirmières venues du Gers, accompagnées de Guillaume, agent de vente vivant à Dax.

La cinquantaine alerte, il a déjà rencontré les membres du groupe plusieurs fois et nous montre son petit trésor : un mini-book de photos : “Là, c’est avec Martin, il ressemble à un ange. Là, coup de bol, j’ai pu me faire prendre en photo avec Dave entre deux interviews”. Il exhibe fièrement la carte de visite de l’attachée de presse de la maison de disques du groupe, conservée comme une relique. Le débit est rapide, incessant : “J’ai fait fabriquer un trophée avec deux amis et j’ai eu l’occasion de la remettre en mains propres à Martin”.

L’ambiance est bon enfant, on écoute de la musique des années 80 (“OMD, Cure, Simple Minds… Que du bon !”). Un système bien rodé de numérotation permet de ne pas perdre sa place dans la queue. Chacun peut aller manger un morceau ou se rendre aux toilettes (c’est long 6 heures debout, voire plus, dans le froid…) et revenir en exhibant sa main. J’avais le No. 57F (“F” pour “Fosse”). Les chanceux aux premières loges étant en “Fosse Or” (FO).

 

BERCY PLEIN A CRAQUER

 

Concert de Depeche Mode à Paris Bercy - Mard 202418 heures, les barrières s’ouvrent pour les gens en fosse Or. La procession en fosse standard suit lentement. Nous nous massons derrière les barrières qui nous séparent des privilégiés dorés et engageons la conversation avec un fan nancéien qui a vu DM dans l’immense O2 Arena de Londres. Il nous dit écouter en voiture une radio en ligne polonaise qui diffuse la musique de DM H24. Derrière nous, un quinqua nordiste imbibé et large comme une baraque à frites accompagné de son fiston beugle “Ce soir, c’est no limit !”. Heureusement, le duo quittera la salle, destination le bar.

Entretemps, un type un peu perdu en chemise de bûcheron pleure toutes les larmes de son corps et semble hébété. Il finira par se calmer et chanter à tue-tête. Redescente de spiritueux, nul doute. La foule est bigarrée, joyeuse, dans l’attente. Cette soirée est un peu spéciale car c’est l’anniversaire du batteur Christian Eigner, qui accompagne le groupe depuis 25 ans.

 

En première partie, Suzie Stapleton chauffe la salle. La chanteuse anglaise à la voix âpre livre un blues rock de bonne facture, quoiqu’un peu répétitif. À 20 heures 50, les spectateurs en loge VIP sont tranquillement descendus s’installer. L’arène d’une capacité de 20 000 places est pleine. Un long beat électronique déclenche des clameurs, les musiciens arrivent sur scène et sont ovationnés avec ferveur. Le chanteur emblématique Dave Gahan lance le concert avec le très atmosphérique My Cosmos Is Mine. Les quatre premières chansons sont un copié-collé du concert lyonnais.

Ce qui est très étonnant, c’est qu’on a l’impression d’entendre les mêmes morceaux que l’an passé alors que la setlist a connu plusieurs remaniements : Sister of Night a été remplacé par Policy Of Truth, Speak to Me par Before We Drown, A Question of Lust par Strangelove, Soul With Me par Somebody, World in My Eyes par Behind The Wheel (dédicace à Andrew Fletcher), et Wrong par l’éblouissant Black Celebration. D’un bout à l’autre des 2 heures 15 du concert, le public lève les bras et reprend en chœur les refrains.

 

DÉCOR MINIMALISTE, AMBIANCE MAXIMALE

 

Le décor scénique – conçu comme d’habitude par le photographe néerlandais Anton Corbijn – est assez spartiate : un gigantesque “M” sur un écran dans lequel sont projetés des clips ou des animations. Mention spéciale à Ghost Again filmé en noir et blanc, dans lequel on voir Gore et Gahan jouer eux échecs et déambuler dans New York, un hommage à leur compère Andrew Fletcher disparu à 60 ans juste avant la sortie de Memento Mori.

Le son est excellent et met bien en valeur la voix chaude et caverneuse de Gahan. Il se meut avec grâce tel un cygne, chaque mouvement de son corps étant minutieusement calculé. Il connaît parfaitement son public et exhorte celui-ci à chanter, à lever les mains. La façon dont il s’est emparé des paroles créées quasi-exclusivement par son compère Gore est saisissante, jusqu’à l’éclipser un peu injustement. D’autant que le guitariste-claviériste-parolier-chanteur n’a finalement que peu d’espace pour s’exprimer scéniquement. Strangelove fut SON moment. Entendre le public reprendre à l’unisson les lyrics donne la chair de poule (“Strangelove, strange highs and strange lows, Strangelove, That’s how my love goes, Strangelove, Will you give it to me? Pain, will you return it? I’ll say it again, pain”). Et le minuscule rictus de satisfaction du blondinet n’est pas passé inaperçu sur les écrans géants.

 

UN PUBLIC EN COMMUNION AVEC LES APÔTRES DU BEAT ELECTROPOP

 

Pour le reste, Dave Gahan a fait le show comme à son habitude, en paradant cintré dans un gilet sans manches, en faisant des signes de reconnaissance à divers panonceaux, parfois en jouant à frotti-frotta avec le pied du micro ou en agrippant carrément son sexe tel Michael Jackson ou Madonna, ce qui déclencha des mugissements de plaisir dans une fosse chauffée à blanc. Derrière son clavier, Peter Gordeno reste impavide telle une statue de cire, tandis que Eigner martèle ses fûts avec application.

Dans les gradins supérieurs à droite de la scène, deux quinquas grassouillets parés d’une hermine et de couronnes royales font aussi le show. Clin d’œil au mégatube Enjoy The Silence. On ne voit pas le clip dans lequel Gahan parcourt divers pays dans cet accoutrement. Juste deux crânes sur un rond rouge, symbole repris dans divers articles vendus au stand de merchandising. Gore égrène à la guitare les quelques notes bien connues. Finalement, c’est assez simple un tube. Trois Portugaises à côté de moi hurlent à tue-tête : “All I ever needed, Is here in my arms, Words are very unnecessary, They can only do harm”. C’est rafraîchissant.

 

PAS DE SURPRISE MAIS UN SHOW EFFICACE ET UN FINAL EN APOTHÉOSE

 

“A bit of fun now…”. Et la foule se déchaîne littéralement sur un tube datant de 1981, Just Can’t Get Enough. C’est une grande communion aussi entre les générations et les styles où de jeunes gothiques aux ongles noirs côtoient de vieux rockeurs bardés de cuir. La setliste est déroulée avec minutie jusqu’aux deux explosions finales. Mais avant cela, un moment de répit avec Condemnation, où le duo se retrouve au bout du catwalk.

Les briquets ont été remplacés par les lampes de smartphones. C’est moins chaleureux, mais très spectaculaire. Bercy s’illumine le temps de quelques moments. Les deux compères échangent un hug amical et attendu. Enfin, on a beau avoir visionné une dizaine de DVD, vivre les moulinets de bras sur Never Let Me Down depuis la fosse reste une expérience incroyable, avec Personal Jesus comme point d’orgue d’un concert remarquable à défaut d’avoir été surprenant, tant les gimmicks ont été vus et revus. Qu’importe. Combien de groupes des 80s peuvent se targuer de continuer à faire vibrer les foules comme ça ? Oui, il n’y en aura jamais assez !

 

Texte, photos et vidéo : Patrick Ducher

 

La setliste : 1. My Cosmos Is Mine 2. Wagging Tongue 3. Walking in My Shoes 4. It’s No Good 5. Policy of Truth 6. In Your Room 7. Everything Counts 8. Precious 9. Before We Drown 10. Strangelove 11. Somebody 12. Ghosts Again 13. I Feel You 14. A Pain That I’m Used To 15. Behind the Wheel 16. Black Celebration 17. Stripped 18. John the Revelator 19. Enjoy the Silence 20. Condemnation 21. Just Can’t Get Enough 22. Never Let Me Down Again 23. Personal Jesus.

 

Extraits du concerts :

Pin It on Pinterest

Share This