Il est l’un des musiciens les plus originaux et prolifiques de la scène underground américaine. Eugene Chadbourne mélange le folk, le rock, le jazz, la country et l’improvisation avec une liberté et une inventivité déconcertantes. Virtuose du banjo et de la guitare électrique, il produit à profusion des disques, y compris des enregistrements live qu’il vend presque en temps réel lors de ses concerts. Il vient de terminer une grande tournée en Europe, qui l’a conduit fin mars au Périscope à Lyon, avec en première partie le saxophoniste Lionel Martin. Nous avons attendu son retour pour échanger par mail avec lui.

– Dans quel état avez-vous trouvé le « Vieux Continent » ?

C’était un plaisir de retrouver ces sensations de tournées et de profiter de tous les plaisirs de la route. Je sais que tout le monde a vécu beaucoup de choses ici, mais pour le visiteur, c’est comme si rien n’avait changé.

Eugene Chadbourne, virtuose du banjo– Avez-vous toujours joué en solo ou étiez-vous en groupe sur certaines dates ?

La première partie de la tournée s’est déroulée en duo avec mon partenaire batteur Schroeder, et pour un concert nous avons ajouté le bassiste Jan Fitsjen.

– Quels ont été les meilleurs et les pires moments de cette tournée ?

Je ne me plaindrais que de petites choses, c’était une tournée où tout s’est déroulé sans problème… Oh si, un camion a heurté un poteau et a coupé l’internet pendant quelques heures ! Le promoteur a changé d’hôtel et ne nous a pas prévenus… Les grèves des trains en France ont provoqué une certaine tension.

Quelques spectacles ont dû être annulés et il était clair que les organisateurs ne s’étaient pas posé la question de savoir s’il y aurait des problèmes, ils attendaient simplement de voir ce qui allait se passer. Ensuite, certains d’entre eux ont réagi de manière un peu naïve, suggérant que la solution serait les services de covoiturage.

Et immédiatement après l’annulation d’un concert à cause de la grève, un autre a été annulé pour une raison folle et stupide – quelqu’un a cambriolé le bar à Brest et a pris la caisse, donc le propriétaire a fermé la salle.

J’avais établi un programme très ambitieux avec 42 concerts au début, je pense qu’à la fin j’en ai fait 38.

J’ai donc utilisé la grève comme un moyen de « peaufiner » le programme !

– Une tournée est-elle aussi pour vous un moment de création, où vous pouvez écrire et composer de nouveaux titres ?

Oui j’essaie toujours de présenter une nouvelle chanson chaque soir, soit une reprise, soit une nouvelle chanson que je suis en train d’écrire. À Lyon, j’ai interprété pour la première fois la chanson « Warnings » que j’avais commencé à écrire à Genève, en me rappelant que les chauffeurs de taxi m’avaient déconseillé d’aller à la Cave Douze, car il y avait des « communistes ».

Sortir des disques live en temps réel : « Il s’agit juste de documenter mon travail de la manière la plus agréable et confortable possible » explique Eugene Chadbourne


– Vous avez la particularité de produire de très nombreux disques, y compris des enregistrements live, presque en temps réel. Quel sens donnez-vous à cette démarche ? Est-ce un pied de nez à l’industrie du disque, le plaisir, très punk, du Do It Yourself, ou l’envie de garder une trace, de créer un genre de journal musical ?

Il y a beaucoup d’options pour documenter mon travail, de nouvelles tout le temps. Pour moi, pour sortir un disque, il faut que certaines normes soient respectées. Mais elles changent avec le support.

Il y a d’abord eu le vinyle qui demandait un investissement majeur et pouvait ne pas être disponible pendant des années, à cause des retards. Et je suis passé par le trip de la cassette, qui revient d’ailleurs. Avec, je pouvais faire une copie d’un concert de la veille et la vendre le lendemain à quelqu’un qui ne savait même pas qu’il avait la seule copie au monde à ce moment-là… Cela me donnait le vertige. Puis nous sommes arrivés aux CD-R : le client reçoit vraiment un enregistrement presque original ! il est possible de les fabriquer facilement et d’utiliser des imprimeries en cours de route pour faire des pochettes de petites éditions.

J’explore ce processus depuis quelques années en tournée et je suis heureux de m’y être remis : j’ai un excellent enregistrement live du duo avec Schroeder, puis un super CD Doc Chad Contemporary Rock Band en trio et enfin lors de la tournée française une série d’enregistrements live de concerts sortis en petites éditions, seuls ou dans une collection de banjo intitulée From a Train.

Il s’agit juste de documenter mon travail de la manière la plus agréable et confortable possible. Et si c’est un pied de nez à l’industrie musicale, cela montre juste dans quelle société perverse nous vivons.

– Aimeriez-vous que votre dernier concert à Lyon soit publié, comme une suite au Live at Grand Guignol, publié par Ouch! Records, le label de Lionel Martin ?

Nous avons discuté de cette idée et je l’aime bien.

– Quels sont vos projets à venir ? Un nouvel album studio ?

Je viens de terminer deux nouveaux volumes dans la série Horror, 17 et 18. Début mai j’ai donné un concert solo à Houston au Texas en ouverture  d’une exposition de mes peintures inspirées des « Oiseaux » de Messiaen.

Emmanuelle Blanchet

 

 

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