Alice Cooper était de passage à Lyon le 1er décembre à la salle 3000. Notre envoyé spécial à la plume inimitable, Patrick Ducher, y était. Compte rendu !
“Avant Alice Cooper, le rock n’était pas un spectacle. Ils ont inventé le rock show”. Tels étaient les mots du réalisateur Rob Zombie lors de l’introduction du groupe au Rock’n’Roll Hall of Fame en 2011, plus de quarante ans après sa naissance. Il ajoutait : “En 1969, il y avait pléthore de héros dans le rock, mais pas de méchants. Jerry Lee Lewis et Keith Richards étaient de beaux enfoirés, mais ils n’étaient pas méchants. Or, en 1969, quelque chose de spécial s’est produit au Cheetah Club, à Venice en Californie : ce nouveau groupe, Alice Cooper, est monté sur scène. Ils ont vidé la salle en 5 minutes chrono. Tout le monde a détesté sa prestation. Sauf Frank Zappa, qui l’a signé sur sa maison de disques. Le reste appartient à l’histoire. Alice Cooper est devenu le groupe le plus “destroy” du rock. En fait, les musiciens ressemblaient plus à une bande de drag queens. Leur but avoué : détruire l’idéalisme hippy du “peace and love”. Ils voulaient des Ferrari, des crans d’arrêt et des blondes.”
Les concerts des artistes “mythiques” drainent toujours une grande diversité de publics : des fans de la première heure qui n’ont pas changé de look depuis leurs 20 ans – généralement des “métalleux” sexagénaires bardés de cuir aux cheveux blancs – des jeunes gens d’à peine 22 ans qui arborent trois poils de barbe et des vestes en jean décorées de patches de Black Sabbath, Megadeth, AC/DC ou Iron Maiden (c’est toute une vie de fan qui se dévoile sur un gilet !) et qui viennent reluquer la légende. Et même… plein de filles maquillées genre “gothique-horrifique”.
Le nom d’Alice Cooper personnifiait la petite voisine d’à côté, pure et innocente – mais nous avions déjà la bonne attitude, le côté sinistre, le cercueil sur scène, les perruques, la guillotine…
Toute cette faune est très bon enfant et polie. Survivant à l’alcool, la drogue et moults excès, Alice Cooper – Vincent Furnier pour l’état civil – poursuit son chemin d’épouvantail du rock. S’il ne fait plus vraiment peur, ce n’était pas le cas dans les années soixante-dix. Dennis Dunaway, le bassiste co-fondateur du groupe expliquait dans l’émission “One on One” de Steve Adubato en 2016, que le groupe avait commencé à jouer en 1965 pour une fête d’Halloween sous le nom des “Perce-oreilles” (Earwigs). “Au départ, nous n’étions qu’un groupe d’étudiants qui avait envie de s’amuser – le nom d’Alice Cooper personnifiait la petite voisine d’à côté, pure et innocente – mais nous avions déjà la bonne attitude, le côté sinistre, le cercueil sur scène, les perruques, la guillotine…”
Retour sur la scène. C’est parti pour pile 90 minutes de spectacle réglées comme du papier… à musique. Alice/Vincent se plante sur le devant de la scène, se hisse sur un promontoire pour les photographes puis écarte les bras en croix. La foule est extatique. Entre chaque chanson, une poupée coiffée d’une perruque multicolore lui passera un costume ou un accessoire différent : gilet clouté, canne, fleuret… Le son est lourd et puissant.
C’est la gracile et blonde guitariste Nita Strauss fait le plus de bruit, tout en sautillant comme un cabri. Son solo d’introduction pour le tube Poison est impressionnant. De même que le solo de batterie de Glen Sobel sur Halo of flies.
Pour le spectaculaire, on a aussi droit à une machine de film d’horreur, à l’apparition d’un monstre de plusieurs mètres de haut (Feed my Frankenstein), à une guillotine (Killer), et à une infirmière sexy-sado entre autres. Les poulets lancés – ou égorgés selon la rumeur – sur scène ont été oubliés. De même que l’anaconda vivant. Les tubes No more Mr. Nice Guy, Billion Dollar Babies et I’m eighteen font se lever les mains.
Le final est époustouflant, avec lâcher de ballons et de cotillons pendant le mégahit School’s out – au milieu duquel se glisse le refrain de Another brick in the wall de Pink Floyd – ce qui est ironique lorsqu’on se souvient que le disque était vendu en 1972 avec un petite culotte féminine en papier.
Impensable de nos jours, qui ne sont plus très rock’n’roll, hélas. On regrette (presque) l’absence de « headbanging” dans la foule.
En se documentant un peu, on a appris que Alice/Vincent (69 ans au compteur !) avait aidé des jeunes à se sortir de la drogue par la musique, qu’il est heureux en ménage depuis 40 ans, que le golf lui a sauvé la vie. No more mister bad guy en quelque sorte.
Les titres :
1. Brutal Planet 2. No More Mr. Nice Guy 3.Under My Wheels 4. Department of Youth 5. Pain 6. Billion Dollar Babies 7. The World Needs Guts 8. Woman of Mass Distraction 9. Poison 10. Halo of Flies 11. Feed My Frankenstein 12. Cold Ethyl 13. Only Women Bleed
14. Paranoiac Personality 15. Ballad of Dwight Fry 16. Killer 17. I Love the Dead 18. I’m Eighteen 19. School’s Out
Le groupe :
Chuck Garric – Basse | Nita Strauss – Guitare | Ryan Roxie – Guitare | Tommy Henriksen – Guitare | Glen Sobel – Batterie.
Article (C) Patrick Ducher – Photos : (c) Gildas Muguet