Le 7 janvier, au Zénith de Paris, était la dernière date la tournée « Sous un soleil énorme » de Bernard Lavilliers. Pour l’occasion, Jeanne Cherhal et autre guests sont venus partager la scène avec lui. Patrick Ducher, fidèle entre les fidèles du chanteurs stéphanois avait fait le déplacement.

Le 7 janvier est une date spéciale à plusieurs titres. Tout d’abord, c’est l’anniversaire d’un attentat atroce resté dans toutes les mémoires. Mais ce 7 janvier 2023, le public s’est rendu en masse (7.000 spectateurs) au dernier concert de la tournée « Sous un soleil énorme » de Bernard Lavilliers au Zénith de Paris. Certains aficionados se sont retrouvés carrément devant la scène, avec une surprise pour le Stéphanois : une multitude d’affichettes de remerciements se sont levées à la fin de « La Salsa ». Lui aussi avait réservé quelques surprises à ses fans avec des invités de choix.

Bernard Lavilliers au Zénith de Paris le 7 janv 23

À 20 heures pétantes, la voix chaude du baroudeur se fait entendre dans les baffles alors que de nombreux spectateurs remplissent lentement la salle parisienne. Il annonce la première partie qu’il a choisie lui-même : le Clermontois The Doug. Arrive un jeune gars en pull à manches courtes, gratte sèche en bandoulière. Il annonce la couleur d’entrée de jeu avec humour : « Ce soir, je viens vous chanter des chansons tristes, youpi ! ». Sa belle voix d’écorché vif donnerait presque envie de se suicider au centre du stade Marcel Michelin. Le public réserve cependant un accueil bienveillant à chacune de ses 5 ou 6 chansons.

Des fans sous le charme… Comme d’habitude

C’est une nouvelle fois depuis le devant de la scène, au milieu des « die-hard fans » dès le tout premier morceau (« Les portenos sont fatigués »), que le scribe rapporte ses impressions. L’émotion est palpable, car il s’agit peut-être de la der des der ? À 76 ans, le chanteur aurait envie de se ménager, ce qui est bien normal après quelques pépins de santé. Malgré tout, il livre une prestation fantastique de plus de deux heures et 24 morceaux, sans mollir, avec sa fougue habituelle et des musiciens fidèles, sourires aux lèvres : Xavier Tribolet aux claviers, Marco Agoudetse aux saxes et percussions, Oliver Bodson à la trompette et aux guitares, Michael Lapie (de Montreuil) à la batterie, Vincent Faucher aux guitares et Antoine Reininger à la basse et contrebasse.

Un survol de 50 ans de carrière, sans pathos

Lavilliers ne surfe pas sur la nostalgie des années 70 puisqu’il ne propose qu’un seul titre très ancien (le spectral « La grande marée » datant de 1975), mais une belle poignée de morceaux des années 80 avec le tube « Idées noires » repris en chœur par des fans – une énorme majorité de femmes de tous âges, énamourées – qui trépignent d’aise, notamment quand le chanteur esquisse quelques pas de danse, sanglé dans fon futal de cuir noir et son caban de marin. Pas d’interlude politique, peut-être parce que le concert est filmé par plusieurs caméras pour le programme Culture Box ?

Le répertoire est relativement stable, si la poignante « Betty » est venue s’intercaler entre « Bon pour la casse » et « On the road again ». Premiers guests, le Quatuor Ebène, des musiciens classiques atypiques que Lavilliers a croisé il y a quelques années au restaurant Le Bœuf Couronné autour de quelques improvisations. Ils accompagnent magnifiquement un « Noir Tango » extrait du tout dernier album et donnent une touche aérienne au tube de 1988.

Plus doux que rock

Lavilliers ne semble pas se ménager sur scène. Certes, les excès hard rock sont bien loin (on regrette « Traffic »), mais le côté moelleux de certains morceaux compense largement, tels le romantique « Toi et moi » ou un « Petit » avec la guitare soyeuse de Vincent Faucher qui prend aux tripes. L’énergie est bien présente malgré tout, avec « Bon pour la casse » et son refrain scandé par toute la fosse (« Pas de rédemption, à la question subsidiaire, personne ne répond… »). Terrenoire, le duo de jeunes stéphanois, fait une apparition inattendue et remarquée pour « Je tiens d’elle ». Le cœur se serre lorsqu’il évoque sa ville chérie, sa guitare, sa maman. « Cette petite espagnole, c’est ma mère qui me l’avait offerte. Elle m’attend quelque part, quelque part ». La maman du scribe, justement, est partie ailleurs en septembre 2022, accompagnée par la chanson éponyme.

Au final, garder l’espoir

« Je voulais vous faire une surprise, alors j’ai invité Jeanne Cherhal ». La chanteuse filiforme, sexy en diable dans une courte robe noire plissée vient accompagner le boss à la fin du spectacle pour le duo « L’espoir », un morceau extrait du précédent album « 5 minutes au paradis », qui contenait des clins d’œil à divers événements funestes. Sensibilité, fragilité. Les spectateurs retiennent leur souffle puis applaudissent à tout rompre. À la fin de « La Salsa », c’est au chanteur de recevoir une surprise de ses fans les plus fervents, les membres d’un forum Facebook massés dans la fosse depuis le début du concert. De petites affichettes portant le mot « Merci », brandies à bout de bras semble l’émouvoir sincèrement : « Ça me touche beaucoup » dit-il, la gorge serrée.

La der des der ?

Ce 7 janvier 2023 marquait le premier concert parisien du scribe, mais aussi la 3ème date de cette belle tournée. Sans doute la plus émouvante en ce qui le concerne, lui qui a vu Lavilliers en 1980 à la maison des sports de Clermont-Ferrand, son tout premier concert avec son père. Il avait 15 piges à l’époque et lui a demandé « C’est quoi, la zone ? ». 2 ans plus tard, même endroit, Lavilliers annonce qu’il a viré ses cuivres, remplacés par un froid Fairlight. Puis 1989 et la tournée « If », toujours à Clermont. Un trou dans les années 90 avant de le revoir au théâtre municipal de Mende en 2000, puis entre une et trois fois sur chaque tournée de 2008 à 2023. Souvenir d’un final émouvant avec « Fragile », cette hélice qui n’en finit pas de tourner dans le fond de la scène… Joie d’avoir osé se planter droit devant lui sur les trois dernières tournées, à chaque fois au premier rang dans la fosse au Radiant de Caluire, à la Bourse du Travail de Lyon, à la salle 3000 aussi à Lyon, etc., etc., etc. Joie d’avoir échangé deux « checks » avec lui sur « Traffic », au milieu d’une nuée de femmes très envieuses (rires).

À la prochaine sur la route … peut-être.

Texte, photos et vidéo – Patrick Ducher

La setliste : 1. Les portenos sont fatigués 2. Voyageur 3. Scorpion 4. Samedi soir à Beyrouth 5.  La grande marée 6.  Petit 7. Je cours 8. Beautiful days 9. 3ème couteaux 10. Bon pour la casse 11 Betty (avec le Quatuor Ebène) 12. On the road again (avec le Quatuor Ebène) 13. Noir tango (avec le Quatuor Ebène) 14. Je tiens d’elle (avec Terrenoire) 15. Le cœur du monde 16. Gentilhommes de fortune 17. Idées noires 18. Stand the ghetto 19. Toi et moi 20. Borinqueno

Rappels : 21. La salsa 22. Les mains d’or 23. L’espoir (avec Jeanne Cherhal) 24. La malédiction du voyageur

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