Dorénavant, chaque mois, Rodolphe Donati, directeur des cinémas de Villefranche, Eden, Rex et 400 Coups, vous conseillera un film à découvrir, pour ses qualités objectives, bien sûr, mais aussi à partir de ses gouts subjectifs. Ce mois, il a choisi Le Fils de Saul, premier film de László Nemes, Grand Prix du Jury au festival de Cannes 2015.
« Le film de László Nemes est une immersion dans les entrailles du camp d’Auschwitz. Dit somme ça, ça peut faire peur. Mais ce sur quoi il faut insister, c’est que c’est une expérience forte de cinéma, on avait vraiment jamais vu ça avant. Le contenu est très fort. L’histoire du Sonderkommando est très mal connue. Ses membres – dont le héros du film, Saul – sont chargés des basses besognes logistiques de l’industrie exterminatrice. De ce point de vue, Le fils de Saul, c’est un peu bienvenu en enfer, sans aucune entrée en matière.
Mais ce qui fait le grand intérêt du film, c’est sa forme. Nemes filme son héros – en 35 mm, ce qui devient rare – caméra à l’épaule, à la manière des Dardenne. Ainsi commence l’immersion. On est au plus près. En dehors de lui et de ses « collègues », on ne voit pas grand-chose, la netteté de l’image se fait sur eux. L’environnement est présent essentiellement par la bande son, saisissante : aboiements des chiens des Allemands, brides de dialogues dans toutes les langues des déportés… Pas ou peu d’images chocs, mais une mise en scène qui provoque une véritable perte de repères.
Ainsi Nemes évite l’écueil de la reconstitution. Ce qui lui a même valu l’aval du réalisateur de Shoah, Claude Lanzmann, pourtant généralement très critique sur les fictions parlant de cette époque.
Et puis il y a le côté halluciné du comédien (Géza Röhrig), l’absurdité de sa quête, qui est au fond une tentative désespérée pour garder une part d’humanité…
Le fils de Saul est un grand film, qui tient vraiment sa promesse d’expérience cinéphilique unique. »
A voir au cinéma Les 400 Coups, jusqu’au 6 décembre. Horaires