Fête de la musique, Abbaye aux Dames à Caen, le 21 juin 2018. Le mythique havrais Little Bob est sur scène. Dans le public, notre envoyé spécial : Patrick Ducher, et sa photographe attitrée, Pauline Désormière !
CONSACRÉ ARTISTE CULTE PAR LE MENSUEL ROLLING STONE FRANCE, LITTLE BOB ET SES MUSICOS PRENNENT POSSESSION DE LA GRANDE SCÈNE DANS LE MAGNIFIQUE PARC DE L’ABBAYE AUX DAMES DE CAEN A L’OCCASION DE LA FÊTE DE LA MUSIQUE. LE MOINS QU’ON PUISSE DIRE, C’EST QUE LES “BÂTARDS DU BLUES” NE PASSENT PAS INAPERÇUS : PANTALON À RAYURES ET CHEVEUX EN PÉTARD POUR GILOU LE GUITARISTE, COSTUME NOIR, LUNETTES NOIRES, CHAUSSURES NOIRES ET CHEMISE À JABOT NOIRE POUR L’HARMONICISTE MICKEY BLOW, PERFECTO ROUGE SANG ET SANTIAGS POUR BOB… LE ROCK, C’EST AUSSI UNE QUESTION DE LOOK !
L’ambiance est chaude devant la scène, squattée par des aficionados – moyenne d’âge 65 ans – venus voir leur idole. Ça sentait bon le vieux cuir et la bière. Ça jouait aussi des coudes pour prendre des photos et chopper des vidéos. Notre voisin, fervent militant communiste tout de rouge vêtu, raconte que Little Bob était venu jouer en solo dans son lycée technique pour les gosses, au milieu des tours à fraiser. Participant à un festival de blues, il nous raconte aussi avoir vu Bob sermonner un jeune gars faisant des reprises de blues et l’inciter à faire “ses propres trucs”.
Les vieux rockers ressemblent à des grands-mères indignes : ils sont fripés comme de vieux pruneaux avec des cheveux violets. Mais les grands-mères ne portent pas de bandana autour du front comme Bob. Et, surtout, elles ne hurlent pas le blues comme Bob, elles ne se frappent pas fièrement le torse comme Bob, elles ne se cambrent pas avec les guibolles écartées héroïquement à 45 degrés comme Bob. Et on imagine mal des grands-mères dire dans Télérama “J’aime quand ça chlingue !”.
Le bonhomme n’a jamais eu la langue dans sa poche. Titillé dans l’émission Loft Music de Sud Radio au sujet de sa prestation à Matignon en 2017, il rétorque qu’il ne chante que pour le public. Et qu’il est toujours et définitivement de gauche. Et toc ! L’occasion de décocher une pique bien sentie sur certains “dirty ass’holes” politiques. Dire que les punks crachaient sur Little Bob Story du côté de Londres ou de Newcastle au milieu des années 70. Certes, les bastons de ces temps-là sont loin, mais on bien sent qu’il ne faut pas non plus trop secouer certains spectateurs aux visages burinés.
“Hey everybody, we’re the blues bastards” s’exclame le plus que septuagénaire chanteur à crinière blanche. Il n’aura de cesse d’exhorter un public dense de plusieurs milliers de personnes à chanter, à frapper dans leurs mains, à danser. Et celui-ci le lui rend bien. C’est une meute de loups qui hurle à l’unisson et qui scande “Eviiiil” sur une tuerie de reprise de Howlin’ Wolf. La main droite dans une attelle suite à une mauvaise chute, Bob assure néanmoins le show. Le répertoire est issu de la période post-Story – “Libero” est accueilli avec ferveur – et fleure bon le blues-rock un peu crade.
Le groupe se connaît bien et prend un plaisir manifeste à livrer une prestation solide et inspirée. Bob se promène entre son guitariste et son harmoniciste, fait un clin d’oeil au neveu derrière les fûts. Pour les rappels, Gilou et Mickey reviennent la clope au bec et une binouze en mains pour un final de feu avec le tube emblématique d’un autre Little, Richard de son prénom : “Lucille” a litéralement enflammé la fin de soirée.
Peu de titres du tout nouvel album “New day coming” (*) car “Il faut le temps de le rôder sur scène”. Or, pour être sur scène, il faut des engagements et le chanteur nous confie lors d’une séance de dédicace improvisée après le concert que c’est un combat de tous les instants pour trouver des dates. Les Blues Bastards fonctionnent de façon totalement indépendante, sans grosse maison de disques pour les épauler. Pourtant, l’accueil de la presse spécialisée est louangeur suite à la publication de sa compilation des grandes années “High Times 76-88”. Toulouse avait son petit taureau, il reste un petit buffle au Havre. Long live rock’n’roll !
Photos de Pauline Désormière. Compte-rendu de Patrick DUCHER
Plus d’infos :
(*) “Classieux, l’ensemble est porté par une efficacité instrumentale et une démonstration vocale qui relève de l’évidence” selon Rock and Folk (07.2018)
Un extrait du concert :