Dernier moment fort des Rencontres, la cérémonie de remise des prix du Jury de spectateurs, présidé cette année par Ava Cahen, journaliste, critique de cinéma, et directrice de la rédaction de Clap !, magazine ciné-séries bimestriel, s’est déroulée dimanche 13 novembre en présence de Bernard Perrut, député-maire de Villefranche et de Béatrice Berthoux, vice-présidente de l’Agglomération Villefranche Beaujolais, adjointe chargée de la Culture et vice-présidente de la région Auvergne-Rhône- Alpes, déléguée aux lycées.
Les 8 membres du jury et leur présidente ont choisi de récompenser 2 films : Confusion de Laurent Nègre (Suisse) et Swagger d’Olivier Babinet (France – région Ile de France) qui reçoit une Mention spéciale.
Film de genre « documenteur », que les programmateurs des Rencontres ont toujours beaucoup appécié (depuis Le dernier plan de Benoît Peeters, à Vampires en passant par Strass de Vincent Lannoo), Confusion est un bel exemple de manipulation des images et des esprits.
Avec un pitch renvoyant à l’actualité le plus brulante – la chef de cabinet au département de la sécurité du canton de Genève s’apprête à accueillir un ex-detenu de Guantanamo devant la caméra de 2 étudiants en cinéma, Dario et Yacine qui réalisent son portrait – Laurent Nègre arrive à tromper le spectateur le plus aguerri. Prise de vues caméra à l’épaule, manifestations hostiles, images volées, tout est fait pour qu’il soit impossible de démêler le vrai du faux. Loin d’être gratuit, l’exercice est dénonce, avec un humour corrosif, corruption et adeptes des complots de tout poil.
Swagger, premier documentaire d’Olivier Babinet, n’est pas sans rapport avec Confusion. Ici tout est vrai, les adolescents d’Aulnay-sous-Bois que le réalisateur a côtoyé pendant 2 ans, avant de faire leur portrait, existent bel et bien, et ce qu’ils confient à la caméra est vraiment leur histoire. Mais le soin que le réalisateur apporte à la mise en scène, à la qualité de l’image et du son, la magie qu’il insuffle à son film l’éloigne du simple document. Cinéphile acharné et perfectionniste, Olivier Babinet est allé jusqu’à reconstituer une scène de Psychose d’Hitchcock pour le premier plan de son film. Et à effacer de l’image, plan par plan, tous les micros…
L’exceptionnelle qualité de la programmation de ces 21es Rencontres fait que l’on ressent inévitablement une certaine frustration à l’énoncé de ce palmarès. Trois autres films aurait pu y figurer. A commencer par le très original Willy 1er, où là encore la frontière entre réalité et fiction est bien poreuse. Film singulier avec acteur ô combien atypique, réalisé à huit mains (Marielle Gautier, Hugo P. Thomas, Ludovic et Zoran Bouikherma), Willy 1er est inspirée par la vraie vie du comédien, Daniel Vannet, muse du quatuor… Sans jamais tomber dans la complaisance, par l’humour, et une franchise de la caméra qui suit son héros, comme elle le ferait avec De Niro, Willy 1er, film OVNI, trouble et charme.
Autre film qui aurait pu prétendre au titre, Mercenaire de Sacha Wolff. 1er long métrage de fiction du documentariste (et oui encore !), Mercenaire est inspiré de ses longues et nombreuses conversations avec le rugbyman Laurent Pakihivatau. Le film suit le parcours d’un jeune rugbyman de Wallis, acheté par un recruteur véreux et expédié, au sens propre du terme, en métropole. Hyper documenté et réaliste, Mercenaire mêle avec brio une certaine réalité du monde du rugby et tradition spirituelle de ces terres lointaines trop méconnues. Laurent Pakihivatau, qui incarne un « méchant » plus que crédible, a aussi entrainé une partie de sa famille dans l’aventure puisque le jeune héros est incarné par son neveu rugbyman, Toki Pilioko. Tous les deux amateurs crèvent littéralement l’écran.
Enfin, last but not least, notre favori absolu, Grave, film gore intelligent et efficace, premier long métrage de Julie Ducournau, qui sortira en mars prochain, aurait fait un très audacieux et judicieux prix du Jury.
Texte et photo Emmanuelle Blanchet