Pop the Balloon, label indépendant mythique pour les aficionados, ne dit sans doute malheureusement rien aux autres. Son histoire, débutée en 1994, nous ramène indirectement aux folles années de la radio H2Ondes : son fondateur, Gilles Raffier, y animait une émission quelques années auparavant. On est quelques-uns à lui devoir, entre autre, la découverte des grandioses Barracudas. Gilles Raffier est décédé en 2003. Mais ses deux acolytes, Emmanuel Campos et Fabien Petit, continuent à faire vivre le label depuis Macon. Nous les avons rencontré dans l’incontournable Underground Store par une chaude journée de cet été.
La création d’un label destiné à éditer les disques de Bloom, Darian, Dwight Twilley, Paul Collins, Dom Mariani, des Barracudas… ne peut être qu’une histoire de passion, voire de sacerdoce. Pop the Balloon est la concrétisation du rêve de Gilles Raffier. « Activiste qui ne fait pas les choses à moitié » selon certain, Gilles Raffier disait lui-même que l’idée de créer un label était la suite logique d’un « long et sans doute trop obsessionnel amour du rock ». Avant de lancer le label, il avait animé sur la « radio fluide à l’humour glacial », H2Ondes*, une émission hebdomadaire consacrée à son genre favori : la power pop (inspirée du pop-rock anglais des années 1960, façon Who ou Kinks, mélodique donc, mais parfois plus agressif.) A la même époque, il crée le premier fan club des Barracudas et le fanzine Teenage Kick livré avec un flexi-disque à l’intérieur. Seulement trois numéros sortiront. La raison : Gilles Raffier, perfectionniste à l’extrême, fait tout lui-même, d’une manière totalement artisanale, depuis la collecte minutieuse des infos, l’écriture des articles jusqu’à la mise en page, qu’il reprend parfois à la main quand l’impression n’est pas parfaite !
Après une très courte période de désillusion en 1992, il redécouvre le plaisir d’être fan grâce au fanzine américain Yellow Pills et ses articles sur Adam Schmitt, les Sighs, les Wondermints, les Cowsills reformés de frais ainsi que de nombreux autres. Ce sera l’étincelle qui le décide à lancer le label.
Il vend quelques belles pièces de son impressionnante collection de vinyles pour financer le premier projet : un 45t de Bloom, groupe d’Eric Lebrun, ex-clavier des lyonnais Deadly Toys, avec une pochette pop art jaune fluo. Petit problème : le jaune ne sort pas à l’impression. Qu’à cela ne tienne : les 400 et quelques pochettes seront coloriés à la main au Stabilo jaune, avec l’aide des amis embarqués dans l’aventure Pop the Balloon, Emmanuel Campos et Fabien Petit ! Les efforts sont récompensés. Le titre Only your eyes recueille des critiques positives jusqu’au USA.
Suivront une vingtaine de disques dont une majorité de 45t – pour Gilles Raffier, ce format est le meilleur pour la power pop – et quelques beaux coups. Le premier vrai succès du label est le single de Darian (clavier des Wondermints, groupe qui accompagne Brian Wilson des Beach Boys depuis une vingtaine d’années). Cela lui permet d’avoir de la visibilité à l’international, notamment au Japon avec qui il travaille beaucoup à l’époque. Viennent ensuite l’australien Dom Mariani, qui avait connu pas mal de succès avec les Stems, le chanteur américain Dwight Twilley, d’abord en solo, puis avec son groupe le Dwight Twilley Band, et d’autres grosses pointures comme Paul Collins (l’une des plus grosses ventes avec le single de Darian).
Le dernier gros projet de Gilles était la réalisation du premier album solo de Dom Mariani de A à Z, en finançant l’enregistrement et toutes les étapes de fabrication et distribution. Jusque-là, le label n’avait sorti que des licences. Hélas, il n’entendra jamais le résultat. L’album parait en 2004, quelques mois après sa mort. Il lui est dédié.
Pop the Balloon, c’est en tout une cinquantaine de références, et un sans-faute absolu avec uniquement des pépites
A la mort de Gilles Raffier, Emmanuel Campos et Fabien Petit pensent tout arrêter. Mais il y a les projets en cours… Ils parviennent à récupérer les adresses des contacts, notamment ceux au Japon pour les ventes et il reste un peu d’argent et des opportunités… Ils se prennent au jeu et les projets s’enchainent. Il y a d’abord une compile d’inédits et raretés du groupe grenoblois des années 1980 Teen Appeal, puis the Cinders (duo composé de Laurent Ciron, ex guitariste des Dogs et de Jeff Crane, ex Ballbusters), les Buttshakers, et leur soul irrésistible, les australiennes bien énervées de the Shimmys (en collaboration avec le label autralien Off the hip), puis les Barracudas themselves ! Viendront aussi, entre pas mal d’autres, les Ramblers, les Flamin’ Groovies, le chanteur trop méconnu Johan Asherton, et la dernière livraison datée de 2018 : les Wags, groupe dans la pure tradition power pop / punk rock.
Pop the Balloon, c’est en tout une cinquantaine de références, et un sans-faute absolu avec uniquement des pépites, dont malheureusement bon nombre sont aujourd’hui épuisées. On ne citera qu’un exemple : Livin’ underground, une compilation de groupes français des années 1980 dont les Roadrunners, les Thugs, ou les City Kids… Emmanuel Campos et Fabien Petit ont fait mieux que poursuivre l’activité. Ils ont imprimé discrètement leur patte, osant un peu de soul, de rythm ‘n’ blues, de garage rock, et ont su développer le label avec notamment le site internet.
On attend la suite avec impatience, et un rêve : un coffret compilation du label !
Emmanuelle Blanchet
Fast And Loud Festival à Macon le 26 juillet
Emmanuel Campos et Fabien Petit participent activement à l’organisation du Fast And Loud Festival à Macon. La 9e édition se tient le 26 juillet, à partir de 20h30, sur l’Esplanade Lamartine. Au programme : un nouveau groupe mâconnais Short Stories jouant une power pop mélodique aux riffs tendus puis le trio lyonnais The Mogs et leur rock incisif simple et efficace. La soirée se terminera par les Grys Grys groupe de Montpellier qui s’est rodé sur toute la scène garage beat européenne depuis 9 ans. Parking Lamartine ouvert jusqu’à la fin des concerts.
*H2 Ondes était une radio libre dans la plus pure acceptation du terme. Elle a émis depuis Pommiers entre 1982 et 1985. Elle se définissait comme « une radio faite par des jeunes pour les jeunes », définitivement non commerciale. Elle joua la carte de l’humour subtile en complicité avec ses auditeurs, s’attachant à diffuser de la musique la plus pure possible. La programmation musicale était émaillée de magazines culturels traitant de la BD, de la science-fiction, du fantastique, du polars, du cinéma, du théâtre, etc., animés par une équipe de spécialistes composée à forte majorité de musiciens, de managers, de critiques de presse, d’étudiants en cinéma, de directeur de salles, de dramaturge, etc. En moins de deux ans, H2 Ondes gagna une belle renommée, bien au-delà de sa couverture d’émission, notamment dans les milieux culturels lyonnais et parisiens, voire québécois, comme en témoigne les nombreux articles de presse parus à l’époque.