En présence de Perrine Desproges
Un reportage de Patrick Ducher

Perrine Desproges - Ph Pauline Desormière

Perrine Desproges

Dire que Pierre Desproges a bercé mon enfance est un euphémisme. Je me revois un dimanche dans le salon de mes grands-parents paternels en train de découvrir les dernières facéties de la bande du « Petit Rapporteur ». Si Stéphane Collaro était sans doute le plus populaire, Desproges m’intriguait beaucoup car il n’utilisait pas le même registre comique. Il mêlait l’absurde avec son complice Daniel Prévost, la « polésie », l’irrévérence – le sketch avec Sagan est toujours à crever de rire – et son petit air de ne pas y toucher me faisait penser à un chaton qui aurait fait pipi sur le tapis et qui nous narguerait d’un air malicieux…

Ce mardi 4 décembre, le documentaire « Une plume dans le culte » dédié à la mémoire de l’humoriste était projeté à l’UGC Confluence à l’initiative du maire du 2ème arrondissement de Lyon, Denis Broliquier, en présence du réalisateur Christophe Duchiron, de Philippe Pouchain le réalisateur du documentaire « Desproges est vivant » (1998) et de la fille cadette de Pierre Desproges, Perrine, qui sort aux éditions du Courroux une magnifique biographie à base d’archives familiales intitulée tout simplement « Desproges par Desproges » (plus de 330 pages !)

Le maire avoua en préambule qu’il avait loupé des cours lorsqu’il était étudiant pour pouvoir écouter des épisodes du « Tribunal des flagrants délires ». Il m’est arrivé moi-même se sécher la fin des cours de gym du mercredi pour arriver juste au début du fameux réquisitoire du « procureur de la République Desproges française ». Celui consacré à un certain politicien d’extrême droite a même forgé une véritable prise de conscience. Desproges m’a fait découvrir les « Chroniques de la Montagne » d’Alexandre Vialatte, le chanteur italien Paolo Conte, et m’a fait réaliser qu’une ironie bien maîtrisée pouvait avoir plus d’impact que beaucoup de tirades pipi-caca de ses confrères des années 80, voire de la scène dite comique actuelle (où seule Blanche Gardin trouve grâce aux yeux de Pouchain, sur la forme).

Comment se fait-il qu’une émission de radio comme « Le tribunal des flagrants délires » sur France Inter ayant duré à peine deux saisons (1980-81 puis 1982-83) ait autant marqué les esprits ? Dans doute parce que Desproges était clivant sans être ni anar de droite, ni gaucho, et qu’il arrivait par ses textes très travaillés à faire passer certaines idées.

Le public de l’UGC Confluence est composé de beaucoup de têtes grises qui ont connu le Petit Rapporteur comme des millions de Français en 1975-76. Etonnement, il y a aussi pas mal de trentenaires qui se sont esclaffés aux hénaurmes tirades desprogiennes. Le micro circule. Tel spectateur avoue que Desproges l’a aidé à sortir de sa coquille, tel autre note que l’humoriste cachait une profonde sensibilité sous un détachement apparent. Je me souviens avoir lu quelque part que lors de la séparation des Beatles, George Harrison avait vécu une profonde déprime que les Monty Python lui avaient aidé à surmonter. En ce qui me concerne, j’ai failli arrêter plusieurs fois mes études et à chaque fois, c’est Desproges qui m’a donné la « gniaque » suffisante pour persévérer.

Christophe Duchiron souligne le grand nombre de témoignages de personnes qui ont été marquées dans leurs carrières par Desproges. Une séance de dédicaces suit la projection. Les gens se massent à la queue-leu-leu, très sagement et en silence. « D’habitude, il y a plein de gens qui parlent autour de moi. Personne ne chante une chanson ? » se marre Perrine en apposant à ses dédicaces plusieurs coups de tampons encreurs sur lesquels figurent des citations de son père.

L’héritage est dur à porter – Perrine souhaite se reposer de toutes ces émotions et ne prévoit pas d’autres publications. Venant du théâtre, elle aimerait peut-être une exposition itinérante. « Etonnant, non ? » aurait dit Monsieur Cyclopède.

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