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CCO Villeurbanne | 21/11/2016

Reportage de notre envoyé spécial Patrick Ducher

 

bellia2D’abord on est frappé par le lieu : une petite salle de spectacle près du campus universitaire de La Doua, en banlieue lyonnaise. Une “maison-livre” constituée de palettes empilées à l’intérieur desquelles le photographe rock Richard Bellia a inséré les exemplaires de son livre rétrospectif “Un œil sur la musique 1980-2016”. Une scénographie originale conçue par LFA “Looking For Architecture”. On pénètre dans la place un peu comme dans une chapelle. Des monceaux de cartons sont posés sur une scène, des piles de “passes” (les tirages d’essai de l’imprimeur) gisent un peu partout et sont laissés gracieusement pour le public. Il aurait été dommage de gâcher ça. Des enfants courent, un DJ est aux platines, mais il est encore tôt (19 heures). Au milieu de l’installation, Bellia s’affaire et orchestre sa soirée : dédicace sur un coin de table, un petit mot pour chaque visiteur, il fait péter la bise. Il semble heureux et fier de présenter sa carrière, sa vie en musique.

UN LIVRE ET DES CHIFFRES QUI DONNENT LE VERTIGE

20 tonnes de papier pour produire 3.000 exemplaires, 1.200 photos, 800 pages, 5 kilos en tout. C’est Denis Mattiolli de l’agence Tapage, un copain d’enfance de Richard, qui a maquetté la bible (50 cahiers de 16 pages, deux mois de travail) le plus gros jamais réalisé en ce qui le concerne. Sans doute une place dans le Guinness Book of Records ? Même son de cloche pour David Seguin, chef de production à l’imprimerie Deux Ponts qui n’a lui non plus jamais connu d’ouvrage aussi volumineux. Le projet a fait l’objet d’une campagne de financement participatif (100.000 euros d’investissement). Telle une diva, Richard a souhaité un rajout de 50 pages au dernier moment, alors que le papier avait déjà été commandé. La sélection a été très dure : il n’a pas mis de photo de Frank Zappa, ne sachant comment l’intégrer à son fi l narratif. Le livre n’a pas de chapitrage, l’histoire du rock vue par l’oeil de Richard Bellia, se met en place toute seule.

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Richard Bellia

Richard Bellia (à droite)

A T M O S P H È R E S , ATMOSPHÈRES…

bellia6Il avait dit sur une radio qu’il “photographiait avec les oreilles”. Mais c’était une formule toute faite. Il s’intéresse moins aux vieux dinosaures du rock sur le retour (même si on retrouve Neil Young, les Stones, Bowie et d’autres dans le livre) qu’au rock, à la pop, au rap, au metal d’avant-garde. Bellia observe des attitudes, des gueules, des postures. Il révèle la personnalité profonde des artistes à travers ses clichés, il capte des atmosphères. Certaines sont devenues iconiques : Alain Bashung nimbé dans un halo d’ombre et de lumière, Léo Ferré à Bourges les mains tendues comme une offrande au public, la belle gueule et les tatouages de Henry Rollins, Joe Strummer (The Clash) posant fièrement avec sa guitare, Lana Del Rey sortant de sa caravane et, of course, Robert Smith (The Cure) et sa toupie – publié notamment dans les pages de Libération – j’oublais James “I’m black and proud” Brown et tant d’autres qui ont construit l’histoire de la musique ou qui sont en train de la faire. Certaines photos font peur : Jaz Coleman (Killing Joke) ressemble à un imprécateur cinglé, Genesis P-Orridge est déformé par la chirurgie, le performeur Crazy White Sean piercé de partout… Certaines font rire : Lee Scratch Perry en pyjama, David Byrne qui répare un vélo. Une photo du Bataclan – prise de l’autre côté de la funeste rue à travers un bouquet d’arbres – serre le cœur.

L’HISTOIRE D’UNE VIE

bellia3Bellia, c’est aussi une mémoire phénoménale. Il est capable de vous retrouver LA photo prise il y a 15 ans au milieu d’une foultitude de classeurs et de vous sortir ZE négatif ! Le scribe est également très touché de la petite dédicace personnalisée (oui, en plus, il se souvient de votre nom !). Sa compagne s’affaire autour de lui, le couve du regard, prend quelques photos. Des conversations se nouent autour de l’oeuvre. La soirée ne fait que commencer. Mais moi, je rentre pour commencer de feuilleter ce pavé : 36 ans de carrière compilés dans une brique de 5 kilos de papier, ça n’est pas rien et il faudra envisager l’achat d’un lutrin ! 

Pour + d’informations :

Le site de Richard Bellia, entre autre pour commander le livre “Un œil sur la musique 1980-2016”

CR (C) Patrick Ducher – Photos : Patrick Ducher & Pauline Désormière

Reportage sur France 3 Rhône-Alpes :

 

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