C’était la première fois que Richard Hawley se produisait à Lyon. L’Elvis Presley des faubourgs de Sheffield a livré un set acoustique impeccable en couvrant la quasi-étendue d’une carrière débutée au tout début des années 2000 avec Late Night Final. Il était accompagné par son vieux compère, Shez Sheridan, épatant à la douze cordes. Un reportage de Patrick Ducher.

 

Gaspard Royant, en première partie de Richard Hawley

Le frenchy Gaspard Royant a enchanté le public

En première partie, c’est un autre gratteux, le français Gaspard Royant, qui a enchanté un public bienveillant. Grand moment pour lui, puisqu’il s’agissait de la première des quatre dates où il ouvrait pour son idole (Rouen, Tourcoing et Bordeaux suivront). Il est vrai qu’il y a beaucoup de ressemblance entre les deux hommes : look de crooner aux cheveux gominés et peignés en arrière, costume classieux, voix soyeuse. Royant l’avoue d’ailleurs sur sa page Facebook : « Dire que la musique de Richard m’a beaucoup inspiré est un pléonasme, j’ai longtemps croisé les doigts pour qu’il ne m’attaque pas en justice pour plagiat ! ». Le savoyard, auteur-compositeur-interprète de 44 ans n’est pas le perdreau de l’année puisqu’il a sorti son premier album en 2009. Tout comme Hawley, on détecte dans son jeu et sa voix l’influence de Roy Orbison. Il a proposé une demi-douzaine de morceaux et promet un album de Noël pour le 6 décembre. 

 

Je suis passé complètement à côté du phénomène Pulp (formé à Sheffield). Le combo mené par le fantasque Jarvis Cocker me semblait surfer sur la vague d’une Brit Pop bubblegum dans les années 2000 (quelle erreur !). Hawley a accompagné ce groupe en tournée de 1998 à 2002, juste après l’énorme buzz médiatique causé par This Is Hardcore. C’est avec son 5ème  album, l’épatant Lady’s Bridge (2007) que j’ai découvert la voix moelleuse du guitariste et son attachement à Sheffield, sa ville de naissance au lourd passé industriel, qui a aussi vu naître Joe Cocker, le héros local. Tonight, The Streets Are Ours sonne comme une invitation à arpenter les rues de sa ville natale, à se plonger dans un bain nostalgique évoquant le nord de l’Angleterre, le Yorkshire laborieux, les petites gens. À lui seul, ce morceau résume peut-être toute la démarche de Hawley. Du reste, avant de l’interpréter, il explique que « c’est en prenant la rue que nous avons bouté les fascistes du pouvoir ».

 

Écouter Hawley, c’est s’imaginer passer une soirée tranquille au pub, en sirotant une bière brune un peu âpre. On se sent bien, on prête un œil discret à un écran de télévision qui diffuse du foot, on savoure un fish’n’chips, on écoute des tubes des années 80. En effet, Hawley sait comme personne poser une atmosphère. Il raconte de petites histoires auxquelles on peut s’identifier (espoir d’amour, amours déçus, départs, retours, rendez-vous, …). Le 1er mai 2024, Michka Assayas avait consacré un volet entier de son émission « Very Good Trip » au rocker du Yorkshire). 

Le petit gars du Yorkshire a des guitares à son nom, la classe !

Son dernier album en date sorti cet été porte un titre significatif : In This City They Call You Love (« love » étant un terme affectueux pouvant signifier « mon petit/ma petite », « chéri(e ) », « mon pote… »). Les galères (alcool, drogues) ne l’ont pas épargné et l’auditeur le ressent au son de sa voix. « J’ai écrit cette chanson pour ma femme, qui me supporte depuis 33 ans ». Applaudissements émus dans la salle. « Hey, pourquoi vous applaudissez ? C’est peut-être une vraie mégère ! ». L’humour n’est jamais très loin avec ce Sinatra du nord de l’Angleterre, emblème à sa manière d’une northern soul touchante. Impossible de rester insensible à Heart of Oak (You’re precious to me, like Blake’s poetry, can’t be bought or sold, what a mighty soul, With a heart of oak).

Hawley a fière allure dans son jean droit aux bas de pantalons retroussés, sa chemise genre cow-boy verte et noire, sa fine mèche et ses manches de guitares à son nom. Tout autant que son comparse et sa veste en daim assortie aux bottines de la même matière. Ce soir, il a rendu hommage à son père, musicien dans de nombreux petits groupes de Sheffield qui lui a notamment appris le vieux blues Corrina, Corrina, repris notamment par Dean Martin, les Rolling Stones, Steppenwolf, Jerry Lee Lewis, Dylan…). Derrière Hawley et son acolyte se déroule un ballet de guitares acoustiques qu’un roadie squelettique à barbe blanche accorde discrètement sur le côté droit de la scène. Le set se termine avec un rappel de deux titres. Hawley a composé For Your lover et l’a joué avec fougue à son épouse alors qu’elle rentrait du boulot (« Sinon, le dîner est prêt ?» fut sa seule réaction, dit-il pince-sans-rire). Fin avec l’émouvant My little treasures (Cold beer in warm places, Heartbreak and old faces, With my little treasures, You’re more than old bones). Seul regret, l’absence de The Ocean, réclamé d’ailleurs par plusieurs spectateurs.

Richard Hawley continue jusqu’à fin novembre une tournée européenne entamée pendant l’été, tantôt en acoustique, tantôt avec son groupe habituel.

Setlist : 1. As the dawn breaks (Truelove’s gutter, 2009), 2. Ashes on fire (Truelove’s gutter, 2009), Tonight the streets are ours (Lady’s bridge, 2007), Tis night (In this city they call you love, 2024), Sea calls (Lady’s bridge, 2007), Prism in jeans (In this city they call you love, 2024), Corinna, Corinna (reprise), Heavy rain (In this city they call you love, 2024), Standing at the sky’s edge (Standing at the sky’s edge, 2012), Something is (Late night final, 2001), Baby you’re my light (Late night final, 2001), Just like the rain (Cole’s corner, 2005), Lady solitude (Lady’s bridge, 2007), Heart of oak (Hollow meadows, 2015), For your lover give some time (Truelove’s gutter, 2009), My little treasures (Further, 2019).

Extraits du concert :

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