Heavy noiz on da dancefloor

The rhythm is below me, The rhythm of the heat, The rhythm is around me, The rhythm has control, The rhythm is inside me, The rhythm has my soul.” – Peter Gabriel (“The Rhythm of the Heat”, PGIV 1982)

uKanDanZ - Epicerie Moderne - 18.05.2016Cette chanson de Peter Gabriel est basée sur une histoire du psychologue Carl Jung rapportée lors d’un voyage en Afrique en 1925. Observant des musiciens en train de jouer et de danser, il s’est senti litéralement “possédé” par le rythme de la musique, comme envouté, avec la sensation de perdre le contrôle de son corps. Elle résume assez bien le sentiment du scribe à l’issue de ce “double bill”  du 18 mai dernier à l’Epicerie Moderne de Feyzin (69). Il fut question de rythmes, de bruit, de soul music entre autres. uKanDanZ est un groupe local de “crunch music”* composé de 4 français et d’un chanteur éthiopien. Actuellement en plein milieu d’une tournée française et européenne d’une douzaine de dates, il revenait jouer à la maison. Comme me l’a confié son saxophone Lionel Martin, “c’est sympa d’être à cinq minutes de chez soi pour une fois”. Pat Thomas & Kwashibu Area Band, octet ghanéen originaire d’Accra, a entamé début mai une tournée européenne d’une quarantaine de dates pour porter leur “highlife music”, tirée des musiques d’église, des fanfares militaires, du jazz, du calypso et des rythmes de la côte (dixit wikipedia). Deux styles très différents, avec un point commun : ils jouent à fond et ne s’arrêtent jamais.

 

Les chants traditionnels éthiopiens réinventés par uKanDanZ invitent les  spectateurs à une messe… noire

13239038_1236005906450347_4140148129562915230_n

Les uKanDanZ commencent très fort leur set de 50 (trop) petites minutes avec Tchuhetén Betsèmu, le single de leur nouvel album Awo sorti ce printemps. Le public est saisi et ne sait pas comment réagir face à ce déferlement de décibels. Il est vrai que le mélange énergique de sonorités empruntant à la soul, au heavy metal ou à l’éthio-jazz ne peut laisser indifférent. Chaque musicien ne se laisse pourtant pas déborder :  le sax ténor sonne comme un instrument percussif tellement les notes claquent comme des coups de fouets sous le contrôle de la basse puissante de Benoît Lecomte – apparemment fan du mythique groupe français de prog-rock Magma. Le guitariste Damien Cluzel a des bouffées de Jimmy Page, sans se la péter pour autant car l’ensemble est très maîtrisé, guidé par la batterie cinglante du fou furieux Guilhem Meier. Étonnant de le voir marteler ses fûts comme un damné, puis discuter tout sourire avec le public après le concert. Et il y a le chant d’Asnake Guebreyes. Imaginez un petit zébulon black charpenté comme un fût de chêne qui livre des mélopées stridentes et possédées. Il balance ses deux bras – deux troncs d’arbre – comme pour bercer un bébé invisible puis exhorter le public. Les chants traditionnels éthiopiens réinventés par uKanDanZ invitent les quelques 150 spectateurs à une messe… noire. “C’est super bien”, s’exclame un adulescent non loin de moi, en dodelinant de la tête.

Pat Thomas & Kwashibu Area Band, légende du “highlife” dans la tradition des années 70

Pat Thomas & Kwashibu Area Band - Epicerie Moderne - 18.05.2016Changement de style radical avec Pat Thomas & Kwashibu Area Band, légende du “highlife” dans la tradition des années 70. On sent un reggae léger, un brin de dancehall music, de rocksteady, d’afrobeat. Les cuivres sont rutilants et, surtout, les percussions sont très entraînantes (congas, batterie, …). En fait, ces ghanéens sont de sacrés roublards. Ils ne vont JAMAIS s’arrêter de jouer pendant quasiment deux heures. Pas de coupure entre les morceaux, pas le moindre signe de fatigue. J’ai remarqué un changement notable dans l’attitude du public : on est passé du “headbanging” au groove et au balancement de hanches. Les femmes ne se contrôlent plus : déhancements lascifs, yeux mi-clos, bras écartés…

Pat Thomas & Kwashibu Area Band - Epicerie Moderne - 18.05.2016Moments de partage aussi : plusieurs spectateurs/trices amorcent spontanément des pas de danse en duo, délicatessse des gestes, douceur des échanges. Grand(e)s, gros(ses), maigres… tout le monde se lâche. Asnake Guebreyes, planqué dans les coulisses, danse sur place. Sur scène, Pat Thomas – quinqua fringant, pantalon de cuir noir et chasuble immaculée – amorce le beat et les zicos suivent. Parfois, c’est l’inverse. Le guitariste, par exemple, se lance dans un solo déchaîné… à l’orgue, puis rejoint le bassiste et le second guitariste dans une “battle” de cordes. A la fin, le groupe viendra dans la salle échanger quelques mots avec un public conquis et, bien sûr, proposer leur disque. J’en profite pour quémander à Kwame Yeboah une baguette de sa batterie, symbole de cette soirée : Il est hilare. The rhythm of the heat is inside him !

Reportage : Patrick Ducher. Photos : P. Désormière et P. Ducher – 19 mai 2016

 

Pin It on Pinterest

Share This