La saison 2016/2017 du théâtre de Villefranche ouvre avec Vive André Robillard, événement autour de celui qui est une figure majeure de l’art brut, et l’un derniers créateurs encore vivant remarqué par Jean Dubuffet. Du 12 septembre au 1er octobre, le public pourra découvrir une exposition, une rencontre musicale, deux films et une pièce de théâtre-concert, le tout avec – ou en présence de – l’artiste.
Ce projet, explique Alain Moreau, directeur du Théâtre de Villefranche, est représentatif de l’esprit de la programmation du théâtre, peut-être pas aussi formaté qu’on pourrait le penser : on y retrouve toutes les couleurs des arts de la scène, des valeurs sures pour séduire le grand public, du jazz, de la chanson française, du cirque, des spectacles pour le public familial mais aussi des projets plus singulier, en liberté, comme ce que nous proposons autour d’André Robillard. La marge nous intéresse… Dans un théâtre, la marge est au bon endroit !
Voulu par Alain Moreau, grand amateur d’art brut depuis une trentaine d’années et ami d’André Robillard, l’événement s’articule naturellement autour d’une exposition – Le Monde d’André Robillard, pour la première fois dans un théâtre – regroupant bon nombre de ses œuvres emblématiques, tels ses fusils « inoffensifs » issus de la collection Tuer la misère, créées à l’occasion de son travail avec Alexis Forestier, des dessins, des assemblages inspirés par les animaux ou la conquête spatiale, une reconstitution de son environnement ainsi que des photos de Dominik Fusina. Installée dans le hall du théâtre l’exposition est visible gratuitement aux horaires d’ouverture.
Le programme fait aussi, et peut-être surtout, une large place à la rencontre avec l’homme. Le 19, en collaboration avec le cinéma Les 400 Coups, seront projetés deux films André et les Martiens de Philippe Lespinasse (2016) accompagné du court-métrage Visites à André Robillard (2007) de Claude et Clovis Prévost, en présence de Philippe Lespinasse et d’André Robillard. Le 20 septembre, le public est invité à un moment privilégié André Robillard se raconte en musique, animé par Alain Moreau. Enfin, dernier temps fort, le 23, Changer la vie, mise en scène par Alexis Forestier, de la Compagnie les Endimanchés.
Créé à l’occasion des 80 ans d’André Robillard, Changer la vie est la suite de sa collaboration avec le metteur en scène, après Tuer la misère, en 2009. Nés de leur rencontre amicale en 2007, ces deux spectacles s’inscrivent tout à fait dans le parcours artistique d’Alexis Forestier. Membre fondateur des Endimanchés, groupe de percussions proche de la scène alternative tenant à la fois de la musique industrielle bruitiste et de la chanson populaire, il se passionne pour les mouvements d’avant-garde et la relation qu’ils entretiennent aux écritures scéniques. Ce qui le conduit à créer en 1993 la Compagnie les Endimanchés dont le premier spectacle, Cabaret Voltaire, est inspiré du mouvement Dada. Aujourd’hui son travail intègre musique et musiciens au théâtre, pour produire du « théâtre-concert ». Changer la vie décrit comme une « aventure scénique faite d’expérimentations musicales, vocales, plastiques et théâtrales », est un duo burlesque et poétique largement inspiré de la vie et du monde singulier de l’artiste. Force créatrice, hors du commun, André Robillard y parle des langues inventées et y joue de la musique avec des instruments qui n’ont que l’apparence de la normalité.
Porte ouverte sur cet univers foisonnant, Vive André Robillard, est une occasion à ne pas rater d’appréhender cet art aussi déroutant qu’émouvant, ces « Machins d’Art » qui ont le pouvoir de changer la vie
Texte et Photos – Emmanuelle Blanchet
Renseignement et programme complet
Il est encore possible de s’abonner ou de réserver des places pour le reste de la saison et le festival des Nouvelles Voix
Qui est André Robillard ?
Né en 1931, interné à l’âge de 19 ans au centre hospitalier Georges Daumezon à Fleury-Les-Aubrais en banlieue d’Orléans – parce qu’il cassait des chaises et était un peu nerveux – André Robillard est d’abord remarqué pour sa force de travail. C’est comme ça qu’il devient agent d’entretien de la station d’épuration de l’hôpital, en bordure de forêt, poste qu’il occupera jusqu’à sa retraite.
En 1964, il construit un fusil, par assemblage de matériaux de récupération. Difficile d’expliquer comment lui est venu cette idée – peut être le souvenir de son père chasseur – l’essentiel est qu’il a le sens du beau et le gout de la production. Cette première œuvre est signalée à Jean Dubuffet par le psychiatre en chef, Paul Renard.
Après 10 ans sans créer, il reçoit, en 1976, une invitation du musée d’art brut de Lausanne où son fusil est exposé. Là il rencontre Jean Dubuffet et découvre qu’il est un artiste, capable de produire des « Machins d’Art ».
A partir de là, il n’arrête plus de créer sur ses thèmes favoris, obsessionnels : souvenir de la guerre, animaux, surtout les oiseaux, les renards ou les serpents, conquête spatiale… Egalement musicien autodidacte en mémoire de son grand-père joueur de piston et de son père accordéoniste, il peut jouer de l’harmonica amplifié avec un seau comme du corps de chasse avec un arrosoir !
Très protégé par l’institution hospitalière, il vit aujourd’hui dans une maison au sein du domaine de l’hôpital, libre, mais sous tutelle et continue à dessiner. Il est exposé dans le monde entier, notamment à Lausanne ou au musée d’art moderne de Villeneuve d’Ascq.
E.B.
Petit avant gout de André Robillard se raconte en musique ce soir à 19 heures (sur réservation)
Dernier rendez-vous avec l’artiste et l’homme : le spectacle créé et mis en scène par Alexis Forestier, Changer la vie, vendredi 23 à 20 h 30