Le « dandy » Baxter Dury était de retour à l’Épicerie Moderne 5 ans après son dernier passage (en mars 2018) et pour le plus grand plaisir d’un noyau dur de die-hard fans, dont certains le voyaient pour la 4ème fois dans la petite salle de Feyzin qui affichait complet pour l’occasion. Son tout dernier album intitulé « I Thought I Was better Than You » est sorti au printemps dernier. Récit Patrick Ducher
Du psyché-pop en ouverture
En première partie, Ttrruuces, un quintet franco-anglais de pop-rock psyché fait gentiment patienter. Une fille à la batterie, une autre au violon et une au chant sont accompagnées d’un bassiste blondinet en marcel et d’un guitariste, sosie souriant de Syd Barrett. Son nom : Jules Apollinaire. Le public semble amorphe, même si la chanteuse Natalie Findlay occupe la scène en se trémoussant dans un ample short rouge vif de Muay Thai. Le petit top blanc (très) échancré peine cependant à emballer. Le groupe joue 8 titres dont je retiens « Disco », une espèce de medley consacré à ce genre musical dont on distingue des mesures de Boney M et Abba. Dur de faire danser un lundi soir… Applaudissements polis puis Jules laisse la place à « Baxter The Man ».
Baxter Dury : Dancing King
Ce soir, Dury est accompagné d’un groupe resserré : un batteur, un bassiste-guitariste et une claviériste-chanteuse française, Fabienne Debarre, qui remplaçait pour l’occasion sa complice habituelle, l’australienne Madelaine Hart. Entrée sous les vivats de « Mister Maserati », le personnage du tube « Miami ». Il est vêtu d’un improbable costard beige et porte de vieilles Converse aux pieds. À son cou pendouillent des colliers dorés dignes d’un rappeur new-yorkais.
Durant l’intégralité du concert (1 heure 30) interprété sans interruption, Dury se trémoussera tel un adepte du dancefloor et du voguing, faisant force mimiques et prenant diverses postures outrées. Son déhanché pourrait s’apparenter à du tai-chi déstructuré. Nous aurons droit à la quasi-totalité de « I Thought I Was Better Than You » (7 titres sur 10), livrées avec cette diction si caractéristique, cet accent cockney hérité de Ian, son papa, le créateur du tube mythique « Sex and Drugs and Rock’n’ Roll » pendant l’explosion punk.
Mais Baxter n’est pas Ian. Il a su créer en une douzaine d’années une image de crooner gainsbourrien un brin ironique et distancié. Et pendant la pause Covid, il a été hyperactif, livrant un disque superbe « The Night Chancers » (2020). Le best-of “Mister Maserati” (2021) couvre vingt ans de carrière. Il a aussi écrit une autobiographie poignante intitulée « Chaise-Longue » (2021) dans laquelle il raconte une enfance très rock’n’roll. Ballotté entre un truand-garde du corps payé par son père, sa sœur Jemima, ses grands-parents, une mère peintre, des écoles privées d’où il est régulièrement expulsé. Il fait des rencontres incroyables (son père était très pote avec la scène londonienne punk-rock).
Malgré tout, Baxter Dury a su tracer son propre chemin, moins destroy que papa, et plus ironique. Il a certainement hérité d’une grande capacité à décrire des personnages et des situations improbables comme dans le morceau « Leon » (No one’s at home no charges no sunglasses ; No point in keeping me just ’cause my daddy’s famous ; In Kensington high street, Leon fuck you !). Dans “Aylesbury Boy”, c’est l’enfance qui est passée à la moulinette (Thought i was better than you ; Foyer of Chiltern Firehouse; Bloated spleen, brown slip-ons, watercress on the chin).
Dans la salle, il fait une chaleur étouffante. Baxter fait mine de faire tomber la veste et révèle une chemisette à manche courte. Il se pare d’un foulard en mousseline qui devient dans ses mains un accessoire de scène. Il s’en recouvre le crâne tel un indien, puis le noue autour du pied de micro. On regrette un peu l’absence d’échange avec le public, si ce n’est vers le dernier tiers du concert où, sans doute plus relaxé, il avoue adorer Lyon, ses saucissons, et … les genoux. Le public adore et lui mange dans la main.
Un large répertoire
“Happy Soup”, “Palm Trees”, “Oi”, “Almond Milk”… Le public applaudit ces classiques, mais devient frénétique sur Prince of Tears (2017) et le tube Miami joué à fond le ballon (I don’t think you realize how successful I am ; I’m like a shipping tycoon ; Full of promise and cum ; I’m a salamander, short riff lover boy). Ambiance de night-club poisseuse, lourd riff de basse, refrain-chant susurré, il ne manque qu’un light-show glauque.
Dury tourne le dos au public puis revient sur le devant de la scène, le visage recouvert d’un masque flashy avec des leds clignotantes. Il se sert du pied de micro en guise d’haltères, de guitares ou de de fusil et jongle avec. Baxter éructe : “We love you all. We love you, Lyon, we’ll be back”.
Lyon est la 6ème date d’une mini-tournée européenne (une vingtaine de villes seulement). Le chanteur a émis le souhait de se vouloir se consacrer à la littérature. « Chaise Longue » regorge de personnages « large than life » et on comprend cette intention. Mais sa dégaine nonchalante nous manquera beaucoup.
La salle se vide lentement. Au stand de merch, je récupère auprès d’une souriante hollandaise un exemplaire dédicacé de « Chaise longue » qu’elle a fait signer backstage spécialement pour moi, lucky boy. Je compulse la setliste récupérée auprès d’un roadie. Prince of tears, prince of tears, No one’s gonna love you more than us ; everybody loves to say goodbye.
Texte et photos : Patrick Ducher
Setlist : 1. So Much Money 2. Leak at the Disco 3. Isabel 4. I’m Not Your Dog 5. The Night Chancers 6. Pale White Nissan 7. Slumlord 8. Crashes 9. Happy Soup 10. Leon 11. Almond Milk 12. Oi 13. Aylesbury Boy 14. Pleasure 15. Palm Trees 16. Miami 17. Cocaine Man 18. Celebrate Me 19. Prince of Tears 20. These Are My Friends 21. Shadow
Extrait du concert :