Quatirième concert des Feel of Floyd ce samedi 9 septembre 2023, et deuxième fois à la belle salle des fêtes de Viriat, après l’ambiance intimiste de Saint-Maurice de Beynost l’an passé. Dans la salle, une chaleur à crever qui n’a pas semblé (trop) décourager un public venu nombreux (700 personnes) pour ce show très travaillé. On note la présence d’un menaçant « teacher » sur le coin gauche de la scène… normal, c’est la rentrée ! L’ambiance est familiale, bon enfant. Quelques ados/millenials arborent des tee-shirts floydiens (influence parentale, du tonton, du grand-père…).
Une brindille en ouverture
La première partie est assurée par la toute jeune auteure-compositrice Lou Nell qui a choisi le registre du folk-rock comme terrain d’expression. À 21 ans seulement, elle a notamment chanté en couverture de Ben Mazué au Parc des Oiseaux. La voix est assurée, parfois à la limite de la cassure, ce qui lui confère un charme indéniable. Contrairement à certains artistes qui explorent le champ de l’intériorité pour le transformer en un territoire larmoyant fait de ballades écorchées vives, les textes de Lou sont empreints de sincérité et d’une sensibilité qui force le respect. Seule en scène avec sa guitare sèche et son ampli, elle est perchée dans d’immenses croquenots, le corps protégé d’un grand chandail blanc ajouré. Avec sa coupe mulet, elle semble frêle comme une brindille prête à se briser. Son set d’une quarantaine de minutes est empreint d’une grande pudeur. Chapeau l’artiste !
Let there be light
Côté Feel of Floyd, les amateurs éclairés retrouvent les incontournables (Money, Comfortably Numb, Another Brick,…), les grands classiques (Wish, Sorrow…) et plusieurs moments de bravoure, notamment autour de Pigs – riche en groink groink bricolés électroniquement – Coming Back To Life, Time. Dans Pink Floyd en France – Les dernières briques », le bassiste-chanteur des Brain Damage Ludovic Legras avoue que les morceaux « tarte à la crème » sont les plus durs à jouer, car ce sont ceux que le public de vrais connaisseurs attend. C’est plus facile quand le tribute est suivi par une équipe de techniciens fidèles, en l’occurrence quand le light show est assuré par Yannick Ghignon et la régie par Guillaume Pocheron.
Une setliste classique
Le show atteint presque trois heures avec l’entracte et on se demande bien comment les zikos tiennent le coup. La température doit atteindre les 40 degrés. Certes, c’est bon pour la buvette, mais on souffre dans la fosse ! Le claviériste-chanteur Julien Ferrand s’était blessé à la main le matin même, mais a refusé de se faire poser des points de suture ce qui rend sa prestation encore plus admirable. Heureusement, Il était secondé efficacement par Alexis qui assurait notamment les parties de piano et les nappes de synthés. Depuis l’entrée de la salle où je me suis réfugié – c’est le seul endroit où passe un maigre courant d’air – le son est bon malgré une hauteur sous plafond conséquente. L’ossature du show repose sur Dark Side, The Wall et Wish, avec quelques incursions vers Division Bell et Momentary. Dommage qu’Animals et la période pré-Dark Side n’aient été un peu négligés. Choix cornélien.
Un duo chic et charme
Emilie et Mélanie, du duo Emelia Rose, sont de retour. Avant le concert, Emilie me glisse avec un demi-sourire qu’il y aura une surprise. Sur scène, leurs robes courtes pailletées, leurs mouvements lascifs de hanches attirent l’œil. Leur mimétisme avec le duo Lucius – qui avait officié sur la tournée Us+Them de Waters en 2018 – est saisissant. Elles se partagent même la fameuse rythmique au tambour sur Time. Leur interprétation du Great Gig dans la petite salle de Saint-Maurice de Beynost devant 70 personnes allait-elle tenir le choc devant un public dix fois plus important ? La réponse est un grand « Oui ! ». Leur grâce et leur complicité évidente sont un atout indéniable.
La démarche du tribute est éminemment casse-gueule : faut-il jouer à la note près es morceaux attendus ou se permettre des digressions ? L’équation est peut-être insoluble. Nicolas, le guitariste des Feel of Floyd, vient du métal et reconnaît être assez incisif dans ses bends. Son numéro d’équilibriste est donc digne de louanges.
À la rencontre des fans
Je fais plusieurs rencontres bien sympathiques : l’ami Alain Lebeau venu de Savoie pour l’occasion. C’est top de mettre un visage sur un nom et surtout de papoter « pour de vrai », en live. Il y a aussi Amélie, qui me réclame une dédicace pour son papa « Nano », dont la petite fille avait pour l’occasion créé un tee-shirt « spécial Jura ». La famille étant originaire de Saint-Claude, il était logique que le graphique mentionne « Pipe Floyd » (« ceci n’est pas une pipe » aurait pu dire René M.) et surtout les diamants, car je ne savais pas que cette ville était réputée pour la taille de cette pierre précieuse !
Le show a ses moments de bravoure, comme l’apparition d’un chœur d’enfants pour Another Brick. J’ai personnellement beaucoup apprécié Astronomy Domine et son ambiance psyché ainsi que Have A Cigar, particulièrement saignant. Certes, tout n’est pas parfait. Il est difficile de se concentrer à la fois sur son instrument et sur une diction « so british » qui peut très vite se muer en yaourt, la faute à la chaleur, la concentration, le stress. Ce qui me fascine toujours avec les tributes frenchies et comme je l’ai rapporté à travers de multiples interviews publiés dans mes deux livres « Pink Floyd en France » , c’est leur souci de ne pas trahir l’esprit floydien.
Le final est en apothéose avec un Run Like Hell bien saignant et, surprise, du Young Lust assez heavy. Les zikos ont encore assez de force pour saluer un public conquis. Des jeunes filles et des femmes ont dansé avec allégresse, leurs hommes manifestant leur appréciation en dodelinant de la tête. Ce fut une belle et brûlante soirée. LA prochaine en plein air ?
Reportage, photos et vidéos : Patrick Ducher
La setliste (merci à Guillaume Pocheron) : 1. Shine On You crazy Diamond 2. Keep Talking 3. Time 4. Great Gig 5. Money 6. Pigs 7. Us And Them 8. Coming Back To Life 9. Sorrow 10. What Do You Want From Me (entr’acte) 11. In The Flesh 12. Another Brick 13. Mother 14. Welcome To The Machine 15. Have A Cigar 16. Astronomy Domine 17. Brain Damage 18. Eclipse 19. Wish You Were Here 20. Comfortably Numb (rappels) 21. Run Like Hell 22. Young Lust.