Plus de 300 personnes se sont entassées (certaines ont été refoulées à l’entrée !) dans la minuscule salle associative du Quai 472 pour écouter une légende : Little Bob et ses Blues Bastards ont véritablement mis le feu durant deux solides heures de concert qui n’ont pas été de tout repos.
Poursuivant la tournée entamée au début de l’été dernier pour défendre son excellent album, New Day Coming, le groupe continue d’écumer les petites salles de l’hexagone car … rock’n’roll can never die !
Le scribe avait pu voir le groupe à Caen en plein air par une belle journée d’été lors de la fête de la musique dans un lieu magnifique : le parc de l’abbaye aux Dames de Caen. Fast forward, une grosse vingtaine de dates plus tard. Changement de décor, mais pas d’ambiance. Le public est composé majoritairement de fans purs et durs, des sexagénaires fringants – hommes et femmes – dont beaucoup arborent vestes en cuir et tatouages – qui patientent tranquillement à l’écoute du groupe de première partie, les vieux routiers locaux du Froggy Style Band venu proposer des reprises puisées dans la nouvelle génération du blues rock (Ryan Adams, Laurence Jones…). Dommage que le son – beaucoup trop fort pour une si petite salle – n’ait pas été à la hauteur.
C’est vers 22 heures que les pirates sont montés à l’abordage : vêtu de son inséparable perfecto rouge, Little Bob est suivi de son harmoniciste Mickey Blow (66 ans au compteur, et dont le rock’n’roll a sauvé la mise dans les années 70), du contrebassiste bardé de cuir Bertrand Couloume, qui suit son boss depuis 27 ans, du guitariste à la chemise hawaïenne et à la coiffure en pétard Gilles Mallet (38 ans de présence !) et du jeune batteur Matthieu. Avec une entame telle que “Hey, everybody, we’re the blues bastards !” le ton est donné. Le groupe se connaît bien et saura gérer les pépins chroniques de micro et de son qui ont émaillé la soirée. Très vite, la chaleur monte : le perfecto tombe et Mickey retrousse les manches de sa chemise noire à jabots.
N’allez pas dire à Little Bobqu’il est une “légende” ou qu’il devient “culte”. Sa seule vérité : la scène, le contact avec le public.
A 74 ans, avec sa crinière blanche immaculée, Bob ressemble à une petite grand-mère castagneuse qui serait le double frenchy de Keith Richards. Chaque ride semble tracer une décennie sur le visage buriné de Roberto Piazza. Il se cambre, regarde les spectateurs droit dans les yeux. Sourire en coin et l’œil rieur, il est droit dans ses santiags. Retroussant les manches de son ample chemise au motif léopard, il glisse quelques piques à de pseudos hard-rockeurs. C’est une constante chez lui, égratigner les rockeurs français en carton. Il est vrai qu’après avoir connu l’ambiance moite et parfois glauque des pubs anglais dans les années 70, s’être fait cracher dessus par des punks, avoir fait la couverture du mensuel Best marquant un reportage à Londres en avril 77, avoir joué dans des salles désormais mythiques (le 100 club, Dingwalls, Roundhouse…) … Plus rien ne peut vraiment l’impressionner.
Mais n’allez pas lui dire qu’il est une “légende” ou qu’il devient “culte” (même si Télérama, Rolling Stone, ou encore The Observer en ont parlé !) car ça ne fait pas vivre un artiste. Sa seule vérité : la scène, le contact avec le public. Les temps ont été parfois durs depuis la fin de son premier groupe Little Bob Story (LBS) après l’album Ringolevio (1987).
Parce qu’il n’a jamais cédé aux sirènes du showbiz ni aux grosses maisons de disques, il est sans doute passé à côté d’une véritable reconnaissance populaire. Qu’importe. Sa musique, elle, ne triche pas. Il mélange blues, hard rock (Lemmy Kilmister, le défunt et mythique leader de Mortorhead a joué sur un de ses albums !), mais aussi des moments plus calmes comme sur le titre “Lost territories” – deux mots repris en cœur par 350 voix – ou encore la fameuse ballade “The Bull and the Rose”, dédiée à sa chère Mimie, récemment décédée.
Sur scène, Little Big Bob sait réchauffer l’ambiance, exhortant les gens à lever les bras, frapper dans leurs mains, pendant que son guitariste et son harmoniciste meublent le temps lors d’un pépin de micro. On a vu des femmes carrément monter sur le comptoir de la buvette et danser à donf’ !
Le concert se termine par une reprise particulièrement énergique de Lucille, de Little Richard, en présence de Jack Bon, ancien guitariste de Ganafoul, autre groupe français mythique. Les spectateurs sont ravis – On a vu un couple de septuagénaires tout sourire, une handicapée en fauteuil au premier rang… – et le bon moment se prolonge par une séance de dédicace. Un petit mot pour tous, même aux fans plus exaltés, un sourire. Il signe CD, 33 tours, livres, ou affiches à tour de bras. Que disait Neil Young déjà ? Ah oui …rock’n’roll can never die !
Reportage et photos de Patrick Ducher