Décidément, le saxophoniste lyonnais Lionel Martin n’est jamais là où on l’attend. Tout à tour en duo pour jouer les compositions de Louis Moreau Gottschalk avec son compère pianiste Mario Stantchev, ou bien en groupe avec ses potes de Ukandanz pour ambiancer les salles de France et d’Europe avec leur « crunch music » chaude bouillante, ou encore dans les églises avec le batteur Sangoma Everett pour revisiter Count Basie et Oliver Nelson… Cet homme-là n’arrête pas ! Et il trouve encore le temps de faire une mixtape avec le bruitiste Anton Mobin et ses chambres préparées, de placer quelques notes sur le projet Rimbaud de Maxime Dambrin. Depuis le mois de mai, son émission mensuelle « Solo Insolent » sur son label Ouch ! Records est une fenêtre bienvenue vers l’ailleurs et la vie grâce à ses amis musiciens.

Solos  apparaît comme un condensé de ses expériences sur le terrain, dans la rue, et en studio mobile orchestré par Bertrand Larrieu qui l’a guidé dans sa réalisation et a réalisé la prise de son pour ces 5 morceaux atmosphériques d’une durée de 3 à 12 minutes, absolument fantastiques.
« Vibrations » donne l’impression qu’un orchestre déboule dans votre salon : boucles de sax et crépitements électroniques discrets emplissent les oreilles jusqu’à créer un bourdonnement qui fait dodeliner la tête de l’auditeur.

« Fiction » intègre des bruits urbains. L’auditeur est-il dans une gare – on entend une annonce évoquer un mouvement social – ou bien dans le métro ? ou peut-être sous un pont puisque le sax player a coutume de se produire dans des lieux insolites. Des nappes sonores se développent en échos pouvant s’assimiler à un flot ininterrompu de passagers. « Colonel Fabien » … on est donc dans le métro. C’est finalement à la station Stalingrad que l’on arrivera. A écouter absolument au casque pour saisir toute la richesse sonore et se laisser bercer par cette ballade souterraine.

Sur « Eternité », le son redevient aérien, perturbé par des bruits électroniques (est-ce un orage au loin ?), puis par des interjections frénétiques de boucles de sax cassant le rythme tranquille du morceau avant que celui-ci ne se transforme en un murmure lancinant jusqu’à se taire, tout doucement.

« Réalité » mêle plusieurs sons de saxophones à la manière d’un big band puis, petit à petit, sans s’y attendre, l’auditeur ferme les yeux et se retrouve au pied d’un ruisseau (ou bien est-il dans une barque ?). Le sax des villes est devenu sax des champs.

Enfin, « La chute » marque une rupture avec le climat jusque-là quasi-atmosphérique. L’ambiance se fait festive et électro. Boucles et « boom-boom » à écouter en poussant le volume sonore au max !

La pochette élégante – qui est aussi celle du RhinoJazz 2020 – est l’oeuvre de Robert Combas, un autre touche-à-tout : illustrateur, mais aussi musicien lui-même, peintre – on se souvient de son passage remarqué au Musée d’Art Contemporain de Lyon en 2012 et de sa rétrospective « Greatest Hits » – et chanteur.

Solos, la tracklist : 01. Vibration (4’05) 02. Fiction (12’47) 03. Éternité (6’26) 04. Réalité (3’03) 05. La chute (6’33).
Lionel Martin : saxophones (soprano, alto, tenor baryton), machines, improvisation, écriture, auto-interprétation Bertrand Larrieu : prise de son, écriture, direction artistique

L’album – disponible en  digital – sort chez le label indépendant rochelais Cristal Records le 2 octobre 2020. Prix : 25€. La version vinyle sort chez Ouch Records

Patrick Ducher

 

Le clip officiel de l’album Solos – Réalisation Arma Lux (https://vimeo.com/armalux / @arma.lux)

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