Le Rock’n’Eat, à Lyon, organisait le 5 février dernier une soirée « metal prog » avec, entre autres, le groupe Pharnal de Lyon et Esthesis de Toulouse. Patrick Ducher, grand connaisseur du rock progressif, y était. Premier compte-rendu de concert de l’année 2022, qu’on espère plus vivante que les précédentes !
Il y a belle lurette que j’ai décroché du rock progressif, mis à part des groupes emblématiques (Pink Floyd, King Crimson, Genesis, Yes…) que je continue d’écouter avec plaisir. Je ne suis plus du tout au fait de l’actualité du genre et surtout de ses évolutions depuis les années de gloire des seventies. Porcupine Tree, Spock’s Beard ne sont que des noms que je vois dans des revues, sans plus. Quand une connaissance m’a conseillé d’écouter le groupe français Esthesis, j’avoue avoir été très dubitatif. Je me trompais et j’ai découvert des sonorités rappelant justement ces heures passées à écouter les groupes cités précédemment. Ça tombait bien, les toulousains étaient de passage au Rock’n’Eat, à Lyon.
Il faisait un froid de canard dans la minuscule salle voûtée de ce club situé quai d’Arloing. Ce qui est bien quand on arrive en avance, c’est de voir les groupes s’installer pour la balance. On a un avant-goût de la soirée. Il fallait avoir des bouchons tellement ça envoyait ! Je suis surpris par la moyenne d’âge sur scène et dans la salle, entre 25 et 30 ans. Plutôt sympa de constater que le genre « metal prog » (j’ai découvert le terme il y a peu) fait recette auprès de ce type de public.
Ayant longuement écouté – et beaucoup apprécié – le CD The Awakening (2021), j’appréhendais un peu d’écouter sa restitution en « live », car les ambiances sont très particulières. Fort heureusement, la régie son semblait au point. Le premier groupe à s’installer est le quartet de rock métal progressif instrumental lyonnais Pharnal. Entre deux guitaristes se trouve une petite jeunette solidement agrippée à une basse 6 cordes quasiment plus grande qu’elle. Elle ne va pas laisser sa part aux chiens et jouer d’une belle manière. Les trois instrus sont longs, joués avec virtuosité, pas du tout ce à quoi je m’attendais dans un lieu plutôt branché hard rock / grunge si j’en juge le bon nombre de posters sur les murs noirs (Iron Maiden, Nirvana…).
Esthesis va interpréter la majeure partie de The Awakening, dont le titre majeur No Soul To Sell
Les deux gratteux ont chacun leur style. Thomas Buskulic, qui débute le set en frottant un stick de batterie sur sa guitare, est plutôt grunge, rapide et mélodieux. Quant à Thibault Chevalier, on sent l’influence de Robert Fripp dans son jeu, impression confirmée en fin de set par l’intéressé lui-même. Le groupe – qui connaît bien les lieux pour y avoir joué plusieurs fois en 2021 – se définit comme apolitique et entame un morceau intitulé 49.3, les coquins. Florent Dumortier rencontre quelques soucis avec un élément cassé sur sa batterie, mais cela ne se ressent pas du tout dans l’interprétation. Bon moment et il est temps de déguster un copieux burger agrémenté d’une stout épaisse.
Ensuite, c’est Esthesis qui prend possession de la minuscule scène. Le groupe va interpréter la majeure partie de The Awakening, dont le titre majeur No Soul To Sell. C’est un moment particulier car il s’agit du dernier concert du batteur, Florian Rodriguez. Amusant : le bassiste, Marc Anguill, est tout aussi frêle que Laetitia Bertrand, de Pharnal, est joue lui aussi d’un instrument à 6 cordes. Discret, mais précieux à la rythmique.
Le show de presque une heure a enthousiasmé la quasi-centaine de spectateurs. Il est vrai que le combo assure. Après tout, il a gagné le « award » des lecteurs de Prog Magazine, ze revue de référence de ce style de musique. On sent une parfaite maîtrise de la musique, des instruments, des effets.
Le clavier Kurzweil se marie parfaitement au chant éthéré d’Aurélien Goude. Ce dernier dispose aussi d’un miniMoog, aux sonorités caractéristiques. Je crois reconnaître les sonorités et le style d’un Genesis, période Trick Of The Tail mais Aurélien s’en défend. La complicité est totale avec le guitariste Baptiste Desmares. Ce dernier fait preuve d’un toucher tout en finesse, alterne des notes limite funky lors d’un duo de feu avec Marc, et surtout ne joue pas au guitar hero. Le public ne s’y trompe pas et réserve une belle salve d’applaudissements au quatuor. Shine on les gars !
Photos, texte et vidéo : Patrick Ducher