Le barde italien Vinicio Capossela a largement mérité sa standing ovation ce jeudi 11 juillet, d’autant que sa notoriété s’accroit d’année en année dans la capitale des Gaules. Pour sa troisième participation aux Nuits de Fourvière, il a eu droit à une soirée spéciale à l’Opéra, avec un grand orchestre en prime.
Nous avions relaté son précédent passage particulièrement réjouissant à l’Odéon de Fourvière en 2016. Dans une configuration différente, sa prestation à l’Opéra a enthousiasmé un public de connaisseurs. En préambule au concert, la projection du film de Federico Fellini Prova d’orchestra (1979) était particulièrement bien choisie.
Derrière une nonchalance apparente, le bonhomme ne laisse personne indifférent sur scène. Changeant de costume à chaque morceau, il se coiffe tour à tour d’un casque napoléonien, d’un bonnet phrygien, d’un haut-de-forme, d’un chapeau de paysan ou encore un d’un bonnet sur lequel est cousu un ourson, tout cela sous l’oeil amusé de l’orchestre. Multi-instrumentiste, Capossella restera vissé à son piano la plupart du temps (il empoignera brièvement une guitare acoustique en fin de concert). Le chanteur, fin lettré, évoquera notamment Moby Dick et les pléiades – clin d’oeil à son précédent album Marinai, Profeti e Balene (2012) – mais aussi le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline à travers le personnage de Bardamu.
Les arrangements orchestraux donnent une dimension particulière à chaque morceau et les interventions des solistes (violonistes, percussionnistes, violoncelles…) apportent une belle fluidité rythmique du récital. Eclectique musicalement – Capossela avait exploré la musique née dans les villes portuaires de la mer Egée au début du XXe dans Rebetiko Gymnastas (2012) – l’italien sait entraîner le public d’un seul geste.
On assiste à plusieurs moments de grâce. A un moment, Capossela invite les spectateurs à faire claquer leurs doigts pour battre la mesure. Tout d’un coup, il sort un parapluie de sous son piano et nous voilà dans une ambiance digne de Singing in the rain. Tout simplement magique ! Il clame aussi son amour pour la culture de son pays, son folklore et ses artistes, citant Sergio Leone, Fellini, Ennio Morricone, mais aussi le “cousin” Martin Scorsese. S’éclipsant en coulisse, le chanteur revient paré d’une veste blanche de boxeur et le voilà mimant Jake LaMotta sous les rires et les vivats des spectateurs !
Dans son avant-dernier album, Canzoni della Cupa (2016), il évoquait les créatures vivant dans l’ombre de la forêt et de la montagne. Dans son dernier opus Ballate per uoini e bestie (sorti en juin 2019), il prolonge son exploration du monde animal en convoquant le testament d’un porc, une girafe d’Imola, les fresques de Lascaux, un loup garou…
Sa voix rauque et profonde allie douceur et vigueur avec maestria. Croisement de Higelin et Charles Trénet pour le côté gentiment foutraque, Vinicio est une star dans son pays, et s’entoure de musiciens de qualité (tel le guitariste Marc Ribot, compagnon de route de Tom Waits).
En guise de rappel, il offre L’uomo vivo (extrait), un morceau destiné, selon lui, à renouveler l’hymne européen car les peuples ont besoin de joie, de beaucoup de joie. Et c’est la folie ! Le public dans les balcons se met à danser la tarentelle, à frapper dans ses mains. En bas, il n’y a qu’acclamations et bravos pour le chanteur. Le chef d’orchestre – tiens, tiens … un italien du nom de Daniele Rustioni, ce qui explique sa complicité manifeste avec le chanteur tout au long du spectacle – et les musiciens semblent ravis. ils sont invités par trois fois à saluer le public !
Grazie mille, signore Capossela !
Reportage et photos : Patrick Ducher